Dans un réquisitoire signé le 5 janvier, dont l'AFP a eu connaissance, le parquet national financier a demandé aux juges d'instruction de renvoyer en procès huit dirigeants, cadres et anciens joueurs, principalement pour des faits d'"association de malfaiteurs en vue de la préparation du délit de corruption sportive", lors de six matches du club de Nîmes, à la fin de la saison 2013-2014.
Parmi eux, le président du club de Caen, Jean-François Fortin, dont le parquet demande un procès pour corruption passive. Le 13 mai 2014, le nul 1-1 entre Caen et Nîmes avait permis aux Normands de monter en Ligue 1 et à Nîmes d'éviter la relégation.
En seconde période, les joueurs avaient clairement levé le pied: "c'est vrai que la deuxième mi-temps était comique", a reconnu l'un des Nîmois devant les enquêteurs, tout en réfutant un arrangement avant la rencontre.
Or, ce scenario, Jean-François Fortin et son homologue nîmois, Jean-Marc Conrad, le laissaient clairement entrevoir dans leurs conversations écoutées par les enquêteurs. Après avoir constaté que le nul faisait leurs affaires, Jean-François Fortin concluait par ces mots : "Ben si on est pas trop con hein!". Il n'avait pas été sanctionné par la justice sportive, contrairement aux autres acteurs du dossier. Nîmes avait écopé d'un retrait de huit points.
Ecoutes
"Des matches où les équipes cessent de jouer, on peut en trouver beaucoup", relativise l'avocat de M. Conrad, Me Michaël Corbier. Avant d'ajouter: "quand des présidents s'appellent avant un match et s'allument, faut-il tout prendre au premier degré?".
Pour le parquet, au contraire, la volonté d'arranger les matches est "manifeste", même si elle n'a pas été suivie d'effets.
Au coeur de l'entente présumée pour les six rencontres, figurent l'actionnaire principal du club nîmois à l'époque, Serge Kasparian, son président Jean-Marc Conrad et Franck Toutoundjian, ancien président de club amateur, soupçonné d'avoir joué un rôle d'intermédiaire. D'autres acteurs sont visés par le parquet pour leur rôle présumé sur une seule rencontre, comme l'ancien dirigeant de club et entrepreneur Michel Moulin (Dijon-Nîmes, 5-1), les anciens joueurs Mohamed Regragui (Créteil-Nîmes, 1-1), Michel Milojevic (Nîmes-Brest, 1-1) et Kadour Mokkedel, responsable sécurité au club de Caen.
A l'origine de l'affaire, des écoutes visant Serge Kasparian dans le cadre d'investigations sur son cercle de jeux à Paris, le Cadet, révélaient sa volonté d'arranger les dernières rencontres de Nîmes pour sauver le club de la relégation.
Une enquête distincte est alors ouverte, et des écoutes supplémentaires ordonnées, cruciales pour l'accusation.
Au final, les investigations ne révèlent pas un système sophistiqué de trucages de matches, et aucun joueur n'a été mis en cause judiciairement, contrairement au scandale du match truqué OM-Valenciennes en 1993.
Mais l'enquête jette une lumière crue sur les mis en examen, qui décrochent leur téléphone pour "prendre la température" avant une rencontre, ou pour demander à d'autres d'arranger les choses.
"Ce n'est le plus souvent qu'en raison soit de l'absence de contacts réels, soit du manque de réceptivité de leurs interlocuteurs (...) ou soit d'intermédiaires peu fiables que leur entreprise corruptive a échoué", écrit le parquet à l'encontre de Serge Kasparian, Jean-Marc Conrad et Franck Toutoundjian.
Ainsi, certains stratagèmes relèvent de la bande de pieds nickelés au vu du résultat, comme ce match contre Dijon finalement perdu 5-1 par Nîmes.
"Dijon, on avait tout préparé pour qu'ils jouent tranquille", regrette après coup Jean-Marc Conrad, dans une conversation écoutée. Pour la rencontre avec Brest, Toutoundjian contacte Milojevic mais ce dernier semble faire chou blanc. Quant à Créteil, c'est l'ancien joueur de Nîmes et "coach mental" du club, Mohamed Regragui, qui était censé intervenir auprès du gardien adverse pour le convaincre de jouer un ton en dessous, mais sans résultat probant selon les investigations.
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