Le grand public assiste, éberlué, à un va-et-vient permanent entre la Maison Blanche, incarnée aujourd'hui par son porte-parole Sean Spicer, et la presse depuis l'arrivée aux affaires du nouveau président Donald Trump, il y a moins d'une semaine.
Il y avait moins de monde pour accueillir Trump qu'Obama, en 2009, dit la presse. Faux!, répond M. Spicer, évoquant une "audience" record, après avoir rappelé qu'il n'existait aucune estimation officielle.
Les médias contre-attaquent, le New York Times en tête, avec des spécialistes en renfort, qui donnent avantage à Obama.
Avec les chiffres d'audience télé, il s'agit bien d'un record, réplique le porte-parole de la Maison Blanche, modifiant, en cours de route, les termes du débat.
Chacun croit mettre fin à la discussion. Sans succès.
Sans oublier Kellyanne Conway, la conseillère de Donald Trump, qui qualifie les éléments de Sean Spicer de "faits alternatifs" et déclenche une nouvelle réaction outrée de la presse...
Lundi, Donald Trump déplace le débat et assure à des parlementaires que trois à cinq millions de sans-papiers ont voté illégalement lors du scrutin.
Les médias soulignent qu'il n'existe aucune preuve de fraude d'ampleur, mais M. Spicer confirme, dès mardi, que le président n'a pas changé d'avis. Sans pour autant fournir aucun élément concret.
Les accusations semblent s'appuyer sur de vieux sondages et des études anciennes qui soulignent les insuffisances de la tenue des listes électorales mais ne font état, à aucun moment, de manipulations avérées ou même supposées.
'En guerre avec les faits'
"L'administration Trump donne l'impression à ses partisans qu'ils ne peuvent rien croire de ce que disent les médias", a écrit Ezra Klein, rédacteur en chef du site d'information Vox.
Pour Sean Spicer, la polémique sur la participation n'était rien d'autre qu'une "tentative de limiter l'enthousiasme autour de l'investiture".
"Ce genre de malhonnêteté complique le défi de rassembler notre pays", a lancé le porte-parole sur un ton vindicatif, très inhabituel pour une communication présidentielle.
La critique de Donald Trump est vue comme une tentative de déstabilisation, non pas pour établir la vérité mais pour le discréditer.
A l'appui de ses assertions, Sean Spicer a aussi mentionné un tweet d'un journaliste du magazine Time qui a accusé, par erreur, l'administration Trump d'avoir retiré du Bureau ovale un buste de Martin Luther King.
Après avoir constaté son erreur, le journaliste a rectifié.
"Le débat sur l'audience (de l'investiture) est mineur, voire comique", reconnaît Ezra Klein, "mais les fondations sont posées en vue de débats beaucoup plus essentiels sur ce qui est vrai ou non".
La présentation des faits, des chiffres, est souvent travaillée en politique, mais la propension de l'administration Trump à entrer "en guerre avec les faits", selon l'expression d'Ezra Klein, va plus loin.
"Si vous êtes capables de mentir à propos de choses aussi futiles, qui pourra croire ce que vous direz sur les sujets importants", note le journaliste David Graham, du magazine américain The Atlantic.
"La crédibilité de la Maison Blanche est d'une importance capitale", a fait valoir Andy Wright, professeur de droit et ancien de la Maison Blanche, sur le blog Justice Security.
Sans une administration crédible, "nos alliés ne peuvent pas croire en nos promesses, et nos adversaires en nos menaces", dit-il. "Tout devient plus dangereux".
Un constat partagé désormais par plusieurs membres de la majorité républicaine, notamment le sénateur Lindsey Graham, qui a conseillé à Donald Trump de "laisser tomber".
"Les gens vont commencer à douter de vous si vous continuez à lancer des accusations visant notre système électoral sans preuve", a-t-il prévenu.
Le nouveau président n'a pas semblé l'entendre et a demandé mercredi une enquête officielle sur ces fraudes présumées.
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