Aujourd'hui, Henda Ayari avance à visage découvert, sourire aux lèvres. Pourtant, elle a vécu pendant des années sous l'emprise d'un mari violent, coupée du reste du monde et contrainte de porter le niqab, comme l'exige le rite salafiste auquel elle s'était convertie.
"Un véritable lavage de cerveau"
Après la mort d'une proche, "je me sentais abandonnée, j'étais en recherche de spiritualité", raconte la jeune femme originaire de Canteleu (Seine-Maritime). Alors qu'elle vient de rejoindre la fac de droit de Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime), après un parcours scolaire où elle doit lutter contre les discriminations, elle fait la rencontre de jeunes femmes voilées converties. "Elles avaient l'air heureuses", se souvient-elle.
Par leur intermédiaire, elle entre dans un cercle salafiste où elle subit, "en une nuit, un véritable lavage de cerveau. Ces gens sont très organisés, quand une femme entre dans le cercle, ils mettent très rapidement un homme sur son chemin." C'est ainsi qu'elle se retrouve mariée à 21 ans. Puis mère.
"Je n'avais plus aucune confiance dans la société"
Une union synonyme d'années de dépression et de violences. "Il m'a dit que j'étais prisonnière, que je ne pouvais pas laisser mes enfants sans père", explique-t-elle. Quand elle décide de partir, son mari la répudie. Elle se battra pendant deux ans pour revoir ses enfants. Un combat qu'elle mène seule, sans ressource. "J'étais une handicapée sociale, je n'avais aucune confiance en moi ou dans la société".
Ce parcours du combattant, elle le raconte dans son livre, J'ai choisi d'être libre. Un besoin de témoigner qui lui vient le 13 novembre 2015, quand elle découvre horrifiée les images des attentats de Paris. "J'ai pensé à mon ex-mari, se rappelle-t-elle. Il répétait que le djihad contre les mécréants était une bonne chose, il devait être content. J'ai eu besoin de montrer que je n'étais plus comme ça".
Lutter contre la radicalisation
Dix jours plus tard, elle poste deux photos sur Facebook: l'une de l'époque où elle portait le voile, une autre d'elle le visage libre, accompagnées de cette phrase: "Il y a 20 ans, je n'étais que l'ombre de moi-même". Son poste fait le tour du web et des messages de femmes vivant ou ayant vécu la même situation lui parviennent. Elle décide alors d'écrire son histoire "pour leur donner un message d'espoir, leur montrer que l'on peut s'en sortir".
Aujourd'hui, elle se bat pour son association Libératrices. "Le but est de fournir aux femmes seules ce dont elles ont besoin: un toit où elles seront en sécurité, les conseils d'un avocat… Surtout, je veux travailler sur la radicalisation, pour aider les jeunes qui veulent partir en Syrie à comprendre ce qu'est le salafisme, leur apporter de vraies réponses aux questions sur l'islam".
Ses premières victoires, Henda les tient déjà. "Je reçois toujours beaucoup de messages de femmes qui me remercient, évoque-t-elle. L'une d'elle m'a même dit que grâce à mon livre, elle n'était pas partie en Syrie". Un beau message pour celle qui veut croire que "les mots touchent l'humanité des gens et peuvent être plus forts que les armes".
Pratique. Association Libératrices, 72 rue Lessard à Rouen. Tél. 06 18 11 33 83.
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