Dès le soir du premier tour, Manuel Valls a donné le ton: les électeurs ont désormais le choix entre des "promesses irréalisables et infinançables" - celles de son rival - et "une gauche crédible", autrement dit la sienne. Une critique rejetée par Benoît Hamon, qui s'est défendu de toute forme d'utopie.
Revenu universel, fiscalité des entreprises, réduction du déficit public, temps de travail : tout ou presque oppose l'ancien Premier ministre et son éphémère ministre de l'Education lorsqu'il s'agit d'économie.
"Autant pour la primaire de la droite, on avait deux nuances de libéralisme entre François Fillon et Alain Juppé, autant là on a une opposition nettement plus nette", résume Emmanuel Jessua, de l'institut Coe-Rexecode, interrogé par l'AFP.
Un clivage à l'image de leurs divergences de vue sur le bilan de François Hollande, souligne l'économiste, pour qui "Manuel Valls préserve l'orientation politique du quinquennat" quand "Benoît Hamon se recentre sur une critique de cette politique gouvernementale".
Le député des Yvelines, qui souhaite revaloriser le Smic de 10% et veut encourager la réduction du temps de travail sous les 35 heures, a ainsi promis d'abroger la loi Travail, pour faire primer le code du travail sur les accords de branche ou d'entreprise.
Autre mesure phare de François Hollande remise en cause: le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). Benoît Hamon propose de le réaffecter aux entreprises qui respecteraient des objectifs en termes d'emploi, d'environnement et de réduction du temps de travail.
Le favori de la primaire, enfin, entend s'affranchir des règles budgétaires européennes limitant à 3% du produit intérieur brut le déficit public, un objectif qu'il juge inatteignable "dès lors qu'il faut procéder à des investissements importants".
Utopique?
Autant de mesures en opposition frontale avec le programme de Manuel Valls, qui veut "maintenir le déficit juste sous la barre des 3%" sans toutefois "chercher à le réduire davantage", défend les baisses de charges pour les entreprises et voit la loi travail comme "une avancée" pour les salariés.
"Manuel Valls se situe grosso modo sur une ligne Schröder", du nom du chancelier qui a libéralisé le marché du travail en Allemagne, alors que Benoît Hamon a "une vision plus redistributive de l'économie, moins axée sur la politique de l'offre", observe Alain Trannoy, directeur de recherches à l'EHESS.
Le principal point de désaccord entre les candidats concerne toutefois le revenu universel, proposition phare de M. Hamon. Une mesure au "coût exorbitant", selon Manuel Valls, qui promet pour sa part un "minimum décent" d'environ 800 euros par mois, avec une allocation versée sous condition de ressources à ceux dont les revenus n'atteindraient pas cette somme.
Selon les calculs de l'OFCE, le revenu universel coûterait à terme près de 500 milliards d'euros par an, soit 22 points de PIB. "On n'a probablement pas les marges pour augmenter les prélèvements obligatoires de cette ampleur", avance Emmanuel Jessua, de Coe-Rexecode.
Derrière cette proposition, "figure l'idée qu'on baisse les bras par rapport au chômage de masse", estime par ailleurs l'économiste. Une opinion partagée par Alain Trannoy, pour qui "Benoît Hamon se situe dans une logique de partage du travail" et non de "création d'emplois".
"Le projet que j'assume est un projet de long terme", se défend de son côté le favori de la primaire, qui entend financer une partie de ses mesures par la création d'une taxe sur les robots qui remplacent des emplois humains.
"Ce qui est intéressant chez Hamon, c'est qu'il pose enfin les questions qui fâchent : que ferait-on si la croissance ne revenait pas ? Peut on avoir de l'emploi et des bons emplois avec beaucoup moins de croissance ?", juge la sociologue Dominique Méda.
Avant de conclure: "les utopistes, ce sont ceux qui ne mettent pas ces questions dans le débat public".
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