Pour la première fois dans l'histoire du premier pollueur de la planète, des citoyens en ont appelé à la justice le mois dernier, au moment où le nord de la Chine suffoquait sous un pic de pollution affectant pas moins de 460 millions d'habitants.
Les six avocats à l'origine des différentes plaintes déposées devant plusieurs tribunaux locaux assurent que leur combat leur vaut davantage de soutien populaire que les affaires de droits de l'Homme qu'ils défendent habituellement à leurs risques et périls.
"Les Chinois ne se préoccupent pas trop des problèmes de société ou des choses qui ne les touchent pas personnellement, mais cette question est différente: tout le monde est victime de la pollution atmosphérique", observe l'avocat Yu Wenshang, qui a déposé plainte contre la ville de Pékin avec deux collègues.
D'autres plaintes ont été déposées dans la ville voisine de Tianjin et dans la province du Hebei (nord), où un avocat est soumis à des pressions des autorités pour qu'il renonce à la procédure, selon ses collègues.
La plainte déposée à Pékin accuse les autorités locales de "négligence grave" et de sacrifier la santé publique au nom d'une "croissance économique toxique".
L'avocat demande des excuses écrites, avec publication dans la presse et sur internet pendant une semaine, ainsi qu'un dédommagement de 65 yuans (9 euros) pour son masque anti-pollution et de 9.999 yuans au titre du préjudice moral.
'Réveiller les gens'
Maître Yu a conscience que sa plainte a peu de chances d'aboutir dans un système judiciaire aux ordres du régime communiste mais il espère faire des émules par ce geste "avant tout symbolique".
"Notre objectif est de réveiller les gens pour qu'ils réalisent que l'Etat doit être rendu responsable de son inaction et de son incompétence", explique l'avocat.
Lors de grands événements importants pour l'image du pays, comme les jeux Olympiques de 2008, les autorités de Pékin parviennent bien à abaisser les seuils de pollution en limitant la circulation automobile et en fermant les usines. La preuve que la pollution n'est pas inévitable, selon Me Yu.
Et la mobilisation prend, selon cet avocat, qui a par le passé défendu des membres de la secte interdite Falungong: des policiers lui ont même confié qu'ils soutenaient sa démarche, des propos "très inhabituels", s'amuse-t-il.
Témoin de la colère ambiante: les derniers pics de pollution en décembre ont suscité sur les réseaux sociaux un flot d'accusations à l'endroit des pouvoirs publics mais ces commentaires ont été promptement effacés, augmentant le mécontentement populaire.
Les autorités judiciaires n'ont pas encore indiqué si les plaintes étaient ou non recevables, en dépit d'un délai théorique de sept jours pour ce faire. Mais le régime ne reste pas pour autant les bras croisés.
L'avocat Ma Wei, qui poursuit la ville de Tianjin, indique avoir reçu plusieurs visites de la police et d'autres autorités, lui demandant de retirer sa plainte.
"J'ai refusé et je leur ai dit: 'je fais ça pour que vous aussi puissiez respirer de l'air pur'", témoigne-t-il.
Malgré les menaces, les avocats affirment qu'ils ne craignent pas la vindicte du régime, même si Yu Wenshang, par exemple, a déjà purgé 99 jours de prison en 2014 pour "trouble à l'ordre public".
"Si on nous arrête alors que nous agissons conformément à la loi, cela ne fera que montrer à tous la vraie nature de notre soi-disant 'état de droit'", prévient-il, reprenant la formule vantée par les autorités chinoises.
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