A l'ombre du célèbre rocher en or, les acheteurs se précipitent pour dénicher ce nouveau produit, qui coûte moins de 4 euros pour un petit morceau de 2/3 centimètres carrés de peau. Une nouvelle mode qui représente une menace supplémentaire pour les pachydermes birmans, en voie de disparition.
"La peau d'un éléphant peut guérir des maladies de peau comme l'eczéma", affirme le propriétaire d'une petite boutique qui déborde de pots remplis d'épines de porcs-épics ou de peaux de serpents.
"Vous brûlez des morceaux de peau placés dans une marmite en argile. Ensuite, vous mélangez les cendres avec de l'huile de coco que vous appliquez sur les plaques d'eczéma", explique-t-il.
Sur l'étal d'à côté, un jeune homme vante les bienfaits d'une pâte à base de dents d'éléphant qui permet de "guérir les boutons et d'éliminer les points noirs". "Votre visage sera lisse et blanc après utilisation", précise-t-il tout sourire.
Le nombre d'éléphants sauvages a été divisé par deux en moins d'une décennie en Birmanie. Il en resterait entre 2.000 et 3.000, d'après les chiffres du gouvernement publié cette semaine. En cause notamment: la destruction de leur habitat naturel mais aussi l'attrait pour l'ivoire et pour la peau et certaines parties du corps pour la médecine traditionnelle.
De plus en plus de carcasses sont découvertes dépouillées de leur peau, qui peut aussi servir à fabriquer des perles pour des bijoux.
Certains de ces produits sont vendus sur les marchés locaux, mais la majeure partie va alimenter la Chine voisine, qui raffole des animaux exotiques.
Réseaux financés par des trafiquants chinois
"Nous sommes en pleine crise", estime Antony Lynam de l'ONG Wildlife Conservation Society.
La plupart des éléphants, qui représentent l'une des dix espèces animales en voie de disparition de Birmanie, sont tués ou passés en contrebande en Thaïlande où ils sont utilisés pour le tourisme.
"Avec un si grand nombre de pertes, il faudra peu d'années avant que tous les éléphants sauvages aient disparu", ajoute-t-il.
Pour l'ONG Traffic, le pays compte également "les plus grands marchés ouverts non réglementés pour le commerce de morceaux de tigre" en Asie du Sud-Est. Des marchés sur lesquels on peut tout trouver, de la corne de rhinocéros africain, aux peaux de léopard ou de pangolins.
La majeure partie de ce commerce illégal provient de l'est du pays, contrôlé par des réseaux criminels, orchestrés et financés par de puissants trafiquants chinois, d'après les experts, qui déplorent le laxisme des autorités.
Chasser un animal en voie de disparition est illégal en Birmanie, pays signataire de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de la flore sauvages menacées d'extinction (Cites) mais l'amende maximale est inférieure à 60 dollars et les poursuites sont exceptionnelles.
"Le nombre de cas que nous recensons en termes de crimes concernant la faune sauvage est vraiment, vraiment faible", explique Giovanni Broussard, coordinateur régional à l'agence de l'ONU contre la drogue et l'application du crime.
Cette semaine, le gouvernement s'est engagé à renforcer les lois concernant le braconnage ou le commerce de l'ivoire ou du corps de l'éléphant. Et la Chine a aussi de son côté annoncé l'interdiction de tout commerce et transformation de l'ivoire dans le pays d'ici fin 2017.
Reste qu'en Birmanie, les mentalités devront radicalement changer pour espérer inverser la courbe de la population des éléphants.
Pour Vincent Nijman, professeur à l'Université Brookes d'Oxford, qui a étudié les trafics de la faune birmane pendant une décennie, "il y a un manque de volonté politique et la société dans son ensemble n'est pas vraiment intéressée par cette question".
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