M. Erdogan estime que cette réforme, qui pourrait lui permettre de rester au pouvoir jusqu'à au moins 2029, est nécessaire pour garantir la stabilité à la tête de la Turquie, confrontée à une vague sans précédent d'attentats et des difficultés économiques.
Mais le texte suscite l'inquiétude d'opposants et d'ONG qui accusent le chef de l'Etat turc de dérive autoritaire, notamment depuis la tentative de putsch de juillet qui a été suivie de purges d'une ampleur inédite.
La réforme constitutionnelle, composée de 18 articles, permettrait notamment au président de nommer et révoquer les ministres, promulguer des décrets et déclarer l'état d'urgence.
Le Parlement a approuvé en seconde lecture la proposition avec 339 voix sur 550, soit plus que le seuil nécessaire des trois cinquièmes pour soumettre le texte à une consultation populaire qui devrait se tenir au printemps, selon le gouvernement.
"Notre nation prononcera le dernier mot sur ce sujet. Elle donnera la décision finale", a affirmé le Premier ministre Binali Yildirim, à l'issue du scrutin. "Que personne n'en doute, notre nation prendra (...) la plus juste des décisions", a-t-il ajouté.
La victoire, scellée un peu après 4 heures du matin (01h00 GMT) samedi, a été assurée par une alliance formée entre le parti islamo-conservateur au pouvoir, l'AKP, et le parti de droite nationaliste, le MHP.
'Plus puissant'
Selon la majorité, la présidentialisation du système est nécessaire pour assurer la stabilité au sommet de l'Etat et permettra de s'aligner sur les systèmes en vigueur dans d'autres pays, comme aux Etats-Unis ou en France.
Le Premier ministre, Binali Yildirim, a ainsi assuré que le projet profiterait à tous, en permettant un "gain de temps" pour la gestion du pays.
"Quand vous êtes plus puissant, vous pouvez aborder les problèmes avec plus de résolution", a-t-il affirmé vendredi, lors d'un entretien sur la télévision publique TRT.
"La porte d'une nouvelle ère dans l'histoire de la Turquie (...) s'est entrouverte. Avec le +oui+ de notre nation (au référendum), cette porte s'ouvrira complètement", a déclaré sur Twitter le ministre de la Justice Bekir Bozdag.
Mais ces arguments ne suffisent pas à convaincre les partis d'opposition social-démocrate et prokurde qui voient dans ce texte un symbole d'une dérive autoritaire du président turc.
L'examen du texte au Parlement a déchaîné les passions et donné lieu à des rixes d'une rare violence à l'hémicycle, où un député a eu le nez cassé et une élue handicapée a été projetée au sol.
Dans ce contexte de polarisation politique, qui s'ajoute à un climat sécuritaire dégradé, la campagne pour le référendum s'annonce particulièrement tendue.
Un assaillant a ouvert le feu sur la police à Istanbul samedi, quelques heures après deux attaques à la roquette visant les forces de sécurité et un local de l'AKP dans la mégalopole turque.
'Séparation des pouvoirs abolie'
Aux termes de la réforme constitutionnelle, le président pourra être élu deux fois pour cinq ans, et se représenter une nouvelle fois si des élections législatives sont convoquées pendant son second mandat.
Si le compteur de M. Erdogan, élu en 2014 à la présidence après 12 ans à la tête du gouvernement, est remis à zéro avec cette réforme, ce qui n'est pas clairement établi, il pourrait donc rester au pouvoir jusqu'à au moins 2029, le prochain scrutin étant fixé à novembre 2019.
Avec cette réforme, la fonction de Premier ministre disparaîtrait, au profit d'un ou plusieurs vice-présidents. Le président pourra également dissoudre le Parlement et intervenir dans le domaine judiciaire.
"La séparation des pouvoirs serait complètement abolie", a affirmé à l'AFP Metin Feyzioglu, président de l'Union des barreaux de Turquie. "Ce n'est pas une réforme, mais un suicide", a-t-il ajouté.
Emma Sinclair-Webb, directrice Turquie de Human Rights Watch, a pour sa part indiqué à l'AFP que cette réforme "concentre absolument tous les pouvoirs dans les mains du président".
En outre, a-t-elle souligné, la fermeture de nombreux médias critiques dans le cadre de l'état d'urgence en vigueur depuis la tentative de putsch en juillet rend impossible "un débat public effectif".
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