"Je me sens triste mais pas sans espoir", déclare cependant cet homme aimable de 52 ans, à la barbe et à la chevelure poivre et sel, habitant désormais Getafe, une banlieue populaire au sud de Madrid.
Le destin a voulu que l'entraîneur de football de première division qui tentait d'atteindre la Hongrie avec son fils de sept ans dans les bras, croise la route de la journaliste Petra Laszlo, un jour de septembre 2015.
L'image de l'homme au sac à dos s'effondrant au sol sur son enfant, stoppé dans sa course devant la police hongroise par son croche-pied, a fait le tour du monde, devenant le symbole du racisme de certains face à l'afflux de réfugiés.
Un lettre ouverte du fils aîné resté en Turquie, publiée par le quotidien espagnol El Mundo, "pourquoi tant de haine Petra", avait aussi été largement reprise sur les réseaux sociaux.
La journaliste a depuis été condamnée à trois ans de prison avec sursis et a demandé pardon, assurant avoir paniqué. Et Osamah Alabed, devenu célèbre malgré lui, s'est vu offrir un emploi par le Centre de formation des entraineurs à Getafe, où il est arrivé le 16 septembre 2015.
Installé dans le salon de son trois pièces meublé à l'ancienne il préfère ne plus penser à elle. "Je dois veiller sur mon avenir et celui de ma famille, je n'ai pas le temps", tranche-t-il.
"J'ai déjà trois de mes enfants avec moi, mais le petit demande sa mère", explique encore l'entraîneur en évoquant Zeid, désormais âgé de neuf ans.
En entendant son prénom, les grands yeux sombres de Zeid apparaissent dans l'encadrement de la porte du salon. Il s'installe à côté de son père et raconte qu'il parle avec elle tous les jours grâce à internet.
A fois espiègle et timide, Zeid explique dans un espagnol parfait qu'il aime lui aussi le football et "descendre dans la cour avec Alex", son nouvel ami dans l'immeuble, pour jouer à "cache-cache" et aux "gendarmes et voleurs".
Il exhibe avec fierté ses trésors: un ballon du Real Madrid signé des joueurs et un album photo avec Cristiano Ronaldo son idole, rencontré peu après l'arrivée en Espagne, du père et de deux de ses fils, devenu un événement médiatique.
Un bon cuisinier
L'aîné Almuhannad, 19 ans, les a rejoints en 2016. Manquent sa femme et son unique fille, de 15 ans, restées en Turquie. Elles ont un visa espagnol mais attendent encore le feu vert des autorités turques pour le rejoindre.
"J'aimerais tellement qu'elles arrivent demain", dit-il en anglais, langue qu'il parle peu, comme l'Espagnol.
Ces difficultés linguistiques lui valent d'avoir perdu son emploi d'entraineur en septembre 2016. Son employeur a cependant décidé de continuer à prendre en charge son loyer pour un an, afin qu'il ne soit pas à la rue, explique à l'AFP le directeur du centre Miguel Ángel Galán.
S'il apprend la langue, il pourra revenir, assure-t-il en expliquant qu'à ce stade il ne parle que l'allemand et l'arabe.
Osamah Alabed explique qu'il n'a pu s'y mettre que depuis qu'il a perdu son emploi: auparavant il était trop occupé à travailler et aussi à veiller seul sur ses fils, notamment Zeid, qu'il accompagne à l'école.
"C'est un très bon cuisinier", assure un de ses seuls amis, le marocain Adil El-Trissi, père d'un jeune qu'il a entraîné.
Osamah Alabed envisage d'ailleurs de reprendre ses baluchons pour partir en Allemagne ou aux Pays-Bas, une fois la famille regroupée.
"Si je ne trouve pas de travail je devrai chercher ailleurs", dit-il en précisant qu'il tente aussi de soutenir financièrement sa mère, âgée de 84 ans et restée à Damas.
Il parle avec elle quand les communications sont possibles. Mais il n'a en revanche aucune nouvelle de ses amis d'enfance de Deir-ez-Zor, sa ville natale, assiégée par le groupe Etat islamique (EI).
Deir-ez-Zor, la plus grande ville de l'est de la Syrie avec 200.000 habitants, est contrôlée par l'EI depuis deux ans. Mais Osamah, qui l'a quittée en 2012, préfère ne pas parler de politique.
S'il poursuit son chemin ailleurs en Europe, il regrettera le sens de l'accueil des madrilènes, "qui ne font pas de différence entre étrangers et espagnols", assure-t-il.
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