Dans la commune de moins de 3.000 habitants de cette région montagneuse des Abruzzes, envahie par la neige, certains évoquent désormais l'envie de fuir une région où la terre ne cesse de trembler depuis des mois.
"Je n'ai pas dormi, je suis tombée dans la neige en fuyant ma maison", raconte Tamara Ottaviani, 41 ans, au côté de son mari pompier et de ses trois enfants. "Je ne sais pas ce qu'on va faire, c'est peut-être le moment de partir. Tout ce que nous avons est ici, mais nous ne supporterons pas de nouveaux séismes", soupire-t-elle.
Sa petite fille Gioia, 9 ans, en pyjama, décrit en pleurant la scène de la veille: "tous les arbres dansaient, j'avais peur, j'ai sauvé ma poupée qui dort avec moi ici". "Certains de mes camarades de classe sont également ici mais ils vont bientôt partir. Je ne sais pas avec qui je vais jouer après", s'étrangle-t-elle.
Quatre secousses principales d'une magnitude supérieure à 5, ressenties dans une grande partie de la péninsule, ont été enregistrées en milieu de journée mercredi dans cette zone, sans compter plus de 200 répliques.
Carmine Cresciotti, 74 ans, n'a pas non plus fermé l'oeil de la nuit sous la grande tente où il avait déjà dormi en août dernier, après un séisme de magnitude 6 qui avait fait près de 300 morts dans la région d'Amatrice, plus au nord. Il va devoir comme la veille ramper chez lui à quatre pattes pour aller nourrir ses animaux. "Je ne peux pas les abandonner!". Il a onze chats et un chien, adoptés depuis le mois d'août.
Le doyen de la tente, Domenico Trocchi, 96 ans, enfoui sous les couvertures et arborant un bonnet rose, explique qu'il dormait la veille dans sa cabane de jardin parce qu'il s'inquiétait des tremblements de terre. Son fils est arrivé à sa rescousse de la ville voisine de L'Aquila pour le dégager de la neige. "Je ne me souviens pas d'une situation pareille, la neige rend les choses bien pires", ajoute-t-il en s'inquiétant surtout de l'état de sa maison.
Vision de mort
Son aide à domicile roumaine Ileana Pirvu confie être obsédée par une vision de mort sous la neige. "Je dégageais un chemin à travers la neige au moment du premier séisme. J'ai regardé les montagnes de neige qui m'entouraient et je me suis demandée si j'en réchapperais vivante. Chaque fois que je ferme les yeux, je revois les monticules de neige, cela va me rester toute ma vie".
"Beaucoup de personnes étaient en train de pelleter la neige lorsque le premier tremblement de terre est survenu. Je crois que cela nous a sauvés hier", confie plus sereinement Sergio Pantaleo, un consultant de 64 ans, engoncé dans un épais manteau et satisfait d'être entouré de sa famille. "Nous avons déjà dormi ici après les tremblements de terre précédents et nous espérions ne pas le refaire. Heureusement, les enfants vont bien et prennent cela comme un jeu".
Son frère septuagénaire, Mario Pantaleo, en a vu d'autres. "J'avais sept ans quand un tremblement de terre est survenu ici en 1950. Je m'en souviens parfaitement, mon père m'a sauvé, le toit était tombé sur mon lit", dit-il. "Mais c'est pire aujourd'hui en raison de la neige, c'est trop. Au moins nous sommes ici ensemble, beaucoup sont encore bloqués chez eux dans des maisons glaciales sans nourriture".
De nouveaux lits étaient installés jeudi sous la grande tente par des secouristes, distribuant café et gâteaux, afin d'accueillir d'autres habitants de la commune composée d'une trentaine de hameaux.
Le jeune Federico Giovanelli, 22 ans, ouvrier dans une fabrique pharmaceutique de L'Aquila, s'inquiétait surtout pour la suite. "Je vais bientôt faire le quart de nuit et je ne sais pas comment ça va être de travailler la nuit et d'essayer de dormir ici de jour. Mais qu'est-ce qu'on peut faire ?".
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