M. Jammeh a dénoncé à la télévision "un niveau d'ingérence étrangère exceptionnel et sans précédent" dans le processus électoral et les affaires gambiennes, ainsi que "l'atmosphère hostile injustifiée qui menace la souveraineté, la paix et la stabilité du pays".
Ce petit pays d'Afrique de l'Ouest enclavé dans le Sénégal, à l'exception de sa façade atlantique, est plongé dans une grave crise depuis que M. Jammeh a annoncé le 9 décembre qu'il ne reconnaissait plus les résultats de la présidentielle. Une semaine auparavant, il avait pourtant félicité M. Barrow pour sa victoire.
Yahya Jammeh, qui dirige le pays d'une main de fer depuis 22 ans, affirme vouloir rester en place tant que la justice n'aura pas statué sur ses recours électoraux, malgré les pressions internationales pour qu'il cède le pouvoir jeudi après l'expiration de son mandat.
La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a notamment prévenu à plusieurs reprises qu'elle pourrait avoir recours à la force en dernier ressort.
A la demande de la Cédéao, le Sénégal accueille depuis dimanche le président élu en attendant son investiture, pour laquelle il a assuré qu'il serait en Gambie.
"Le président Jammeh rate l'occasion de respecter la parole du peuple gambien et celle d'une passation de pouvoir pacifique censée se dérouler jeudi avec le président élu", a déploré le département d'Etat américain, mettant en garde contre "un possible chaos".
Le Nigeria, poids lourd régional et continental, a affirmé de son côté accélérer ses préparatifs militaires aériens.
"Nous allons très bientôt nous déployer à Dakar, au Sénégal", a indiqué à l'AFP une source au quartier général de la Défense nigériane, mentionnant l'envoi de "pilotes, de techniciens et de personnel d'entretien" des appareils. "Ce déploiement est lié aux événements en cours en Gambie".
Rapatriement de touristes
Selon la Constitution, l'état d'urgence dure sept jours lorsqu'il est proclamé par le chef de l'Etat, mais peut être porté à 90 jours avec l'approbation de l'Assemblée nationale, qui l'a entériné mardi.
La proclamation, formulée en termes très généraux, "interdit de se livrer à des actes de désobéissance aux lois gambiennes, à l'incitation à la violence, ou troublant la paix et l'ordre public".
Yahya Jammeh a également ordonné aux forces de sécurité de maintenir l'ordre.
La Grande-Bretagne et les Pays-Bas, les deux pays qui comptent le plus grand nombre de touristes en Gambie, ont conseillé à leurs ressortissants d'éviter de s'y rendre ou d'en repartir s'ils s'y trouvaient, sauf raison impérative.
"Le risque d'intervention militaire et de désordre civil est élevé et pourrait conduire à la fermeture sans préavis de l'aéroport international de Banjul", a prévenu le gouvernement britannique dans un communiqué.
Le voyagiste britannique Thomas Cook a annoncé le rapatriement mercredi de 985 Britanniques en vacances en Gambie et il a contacté 2.500 clients supplémentaires pour leur proposer un vol retour vers la Grande-Bretagne.
Les Pays-Bas ont émis des recommandations similaires et plus de la moitié des quelque 1.600 Néerlandais séjournant actuellement en Gambie devraient être rapatriés dans les prochains jours.
Auparavant, quatre nouveaux ministres gambiens, ceux des Affaires étrangères, des Finances, du Commerce, et du Tourisme, ont démissionné, a indiqué une source proche du régime.
Les ministres de l'Information et des Sports avaient été remplacés la semaine dernière.
Des changements sont également intervenus dans l'armée: des officiers refusant de soutenir M. Jammeh contre M. Barrow, comme le leur demandaient des commandants de la Garde républicaine, chargée de la protection du président sortant, ont été arrêtés dimanche soir, selon une source de sécurité.
Face aux risques de guerre civile ou d'intervention militaire extérieure, le flot de Gambiens quittant le pays depuis le début de l'année grossissait sensiblement, à l'approche de l'échéance de jeudi, selon des témoins.
"Tout le monde est inquiet", a confié Bella, marchande sur une plage de Banjul, précisant qu'elle ne viendrait "pas travailler demain ni après-demain" (mercredi et jeudi).
Le Maroc mène actuellement une "médiation discrète et de la dernière chance" par l'entremise de son ministre délégué aux Affaires étrangères, Nasser Bourita, et Yassine Mansouri, chef des services de renseignements extérieurs du royaume, pour obtenir le départ de Yahya Jammeh, a révélé mardi un site d'information en ligne marocain.
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