Difficile d'imaginer que Barbara, avec son ensemble crème et sa chevelure bouclée, compte parmi les quelque 4.300 personnes qui, chaque année, se retrouvent sans adresse fixe à Vienne, pour une durée plus ou moins longue. Le nombre de ceux qui vivent dans la rue est estimé à près de 1.200 personnes.
Cette ancienne propriétaire d'une galerie d'art a connu la rue après avoir perdu son gagne-pain puis son appartement alors qu'elle était soignée pour un cancer du sein, diagnostiqué en 2014.
Elle connaît les hébergements pour sans-domicile qu'elle s'apprête à faire découvrir à un petit groupe de visiteurs: ce "Shades Tour" organisé par la petite entreprise du même nom veut offrir un autre regard sur la capitale autrichienne, régulièrement en tête des classements internationaux sur la qualité de vie.
La formule qui consiste à proposer des visites guidée alternatives, confiées à des sans-domicile pour rompre leur isolement et les remettre sur le chemin du travail, s'est développée ces dernières années, de Paris à Barcelone, en passant par Berlin.
Shades Tours, lancé en 2016, adopte une approche différente en proposant de pousser la porte des structures d'aide aux exclus du logement, un réseau social complexe et inconnu des "inclus".
"Je voulais des visites plus éducatives", explique la créatrice de Shades Tours, Perrine Schober, une jeune diplômée en gestion de projet touristique.
'Personne ne sait où je suis'
Outre les particuliers, qui peuvent s'inscrire pour des visites en allemand ou en anglais, des centaines d'écoliers et de salariés ont déjà mis leurs pas dans ceux de ces guides dont "les gens détournent habituellement les yeux", faute de connaître et comprendre leur vécu, explique Perrine Schober.
Barbara passe sans effort de l'allemand à l'anglais et au français, expliquant pourquoi l'immense gare centrale de Vienne est un "hotspot" pour les sans-abri. "Il y fait chaud, c'est ouvert 24h/24h et ici, vous pouvez être anonyme", dit-elle aux visiteurs alors qu'ils pénètrent dans la halle en verre.
Des travailleurs sociaux, reconnaissables à leur veste rouge, sont en maraude autour de la gare pour distribuer de l'information aux sans-abri sur les endroits où obtenir de l'aide.
"Quel est l'aspect le plus dur dans la vie de sans-abri?", demande l'un des membres du groupe. "L'isolement", répond Barbara. "Personne de mon ancienne vie ne sait où je suis maintenant et je n'ai pas de famille", ajoute la quadragénaire.
Deux des trois guides sans-abri de Shades tours, employés à plein temps, ont déjà retrouvé un logement. "Je suis convaincue que je vais bientôt retrouver un endroit à moi, à nouveau", espère la guide, qui a vaincu la maladie.
Barbara et son groupe bravent le vent glacé en direction du bâtiment dit "P7", la centrale publique d'aide aux sans-abri de Vienne qui gère la répartition des lits en hébergement.
Capitale de 1,8 million d'habitants, sociale-démocrate depuis des décennies, Vienne dispose d'un solide réseau d'institutions publiques et d'associations à destination des plus précaires. En hiver, environ 700 lits viennent s'ajouter aux 300 disponibles toute l'année.
Mais ce n'est pas suffisant pour répondre à la forte demande dans une ville qui attire également les populations fragiles des pays voisins, notamment la Hongrie.
Au refuge VinziPort, réservé aux hommes, dernière étape de la visite conduite par Barbara, on peut dormir, manger, prendre une douche et utiliser internet pour deux euros par jour. "Les repas sont fournis par le jardin d'enfants voisin, les hôpitaux, les boulangeries, tout le monde participe", explique Perrine Schober.
"Je voulais avoir un aperçu de la vie des sans-abri parce que nous les rencontrons sans comprendre ce qu'ils vivent", explique Steliana Kokonova, une Bulgare de 29 ans vivant à Vienne. Après le tour, elle estime "avoir plus d'informations sur la façon d'orienter les sans-abri vers des institutions utiles".
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