Âgée de 32 ans, Fanny Wobmann parle de la vieillesse et de la fin de vie avec une justesse de ton qui étonne dans "Nues dans un verre d'eau", roman tout à la fois sensible et cruel qui paraît chez Flammarion. Avec "Chaleur" (Finitude), autre titre de cette rentrée littéraire d'hiver, Joseph Incardona, 47 ans, offre un chef-d'oeuvre d'humour noir, à la manière d'Arto Paasilinna, en revenant sur un fait divers dramatique survenu en 2010 lors du championnat du monde de sauna en Finlande.
Ces deux auteurs font partie des nouvelles voix de Suisse romande parmi lesquelles se distinguent aussi celles d'Arthur Brügger, de Guy Chevalley, d'Anne-Sophie Subilia, de Xochitl Borel, de Sarah Chardonnens ou encore de Matthieu Ruf.
Membre depuis 2012 du collectif de l'Ajar (Association de jeunes auteurs romands) qui rassemble 18 jeunes auteurs et a publié en août 2016 "Vivre près des tilleuls" (Flammarion), un premier roman unanimement salué par la critique, Fanny Wobmann la joue cette fois en solo avec "Nues dans un verre d'eau", qui parle de ces "invisibles" que sont les personnes très âgées.
"Il y a de plus en plus de personnes âgées dans nos sociétés et en même temps elles sont invisibles. On ne sait pas quoi en faire et ça m'intrigue beaucoup", explique à l'AFP la jeune auteure, originaire de La Chaux-de-Fonds, près de Neuchâtel, rencontrée récemment à Paris.
"J'avais envie de donner la parole à ces personnes dont on ne sait pas quoi faire."
Lâcher prise
Le roman, subtilement féministe, peut se lire comme un dialogue entre Laura, jeune femme un peu paumée et sa grand-mère, malade, en train de s'éteindre doucement dans un hôpital. Fanny Wobmann, jeune femme au sourire lumineux, aime les choses carrées. La vieillesse, la fin de vie, sont appréhendées crûment.
"C'était important d'y aller carrément", se justifie l'écrivaine. "On aurait beaucoup à gagner à dire les choses clairement, comme elles sont".
Laura est enceinte, la grand-mère s'étiole. Pour décrire ces histoires parallèles, Fanny Wobmann décrit avec beaucoup de sensualité la mécanique des corps, une peau que l'on caresse, les odeurs, le goût laissé par un baiser...
Ce "lâcher prise", l'auteure confie l'avoir acquis au sein de l'Ajar. "J'ai beaucoup appris sur ma propre écriture et sur la littérature en général".
"Ce qui est extrêmement libérateur avec l'Ajar, c'est que lorsqu'on écrit des textes pour le collectif, on les offre au collectif. On doit mettre de côté son ego et laisser son texte à la merci des autres".
Les jeunes gens (la moyenne d'âge est d'environ 30 ans, ndlr) qui composent l'Ajar "sont généreux, partageurs, ils ont inventé une littérature participative", estime Alix Penent, directrice littéraire chez Flammarion.
"Vivre près des tilleuls" se présente comme le journal de la romancière suisse Esther Montandon, une femme qui raconte sa difficulté d'enfanter, la naissance finalement de sa fille, sa joie vite ternie par la mort accidentelle de son enfant. Tout sonne juste mais tout est faux, Esther Montandon n'ayant jamais existé.
Originaire de Lausanne, Joseph Incardona est un peu plus vieux que les membres de l'Ajar. Il a déjà derrière lui une oeuvre conséquente (il a reçu en 2015 en France le grand prix de littérature policière). "Chaleur", son 11e roman, publié par l'éditeur girondin Finitude, se lit avec délectation.
Bien que s'inspirant d'un fait divers tragique, le roman commence comme une farce avec des personnages croqués admirablement - Niko Tanner, la star du porno finlandais! - et on rit de bon coeur, mais l'écrivain, on le sait, n'est jamais là où on l'attend.
Derrière cet improbable championnat du monde de sauna, un drame se noue. Le roman vire au noir jusqu'à l'incandescence.
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