Rien de surprenant dans cette décision de faire appel: le PNF avait requis des peines lourdes contre les trois héritiers, les deux avocats, le notaire et les deux sociétés financières poursuivies pour ce que l'accusation considère comme la fraude fiscale "la plus longue et la plus sophistiquée" de l'histoire récente en France.
Après quatre semaines de procès, il avait en particulier demandé de condamner le chef de famille, le Franco-Américain Guy Wildenstein, 71 ans, à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, et 250 millions d'euros d'amende.
Le fisc réclame dans un contentieux distinct 550 millions d'euros aux Wildenstein, accusés d'avoir dissimulé à l'occasion de deux héritages en 2001 et 2008 des pans entiers de leur fortune.
Hôtel particulier à Paris, propriétés luxueuses au Kenya ou dans les Iles Vierges britanniques, et bien sûr la légendaire collection de tableaux de la famille, rassemblant Bonnard, Fragonard et Caravage: la propriété de ces biens se perd dans un entrelacs de sociétés-écran, souvent enregistrées dans les paradis fiscaux.
'Claire intention d'évasion fiscale'
Dans son jugement de relaxe, le tribunal a souligné que "depuis au moins trois générations, des membres de la famille Wildenstein ont pris soin de dissimuler derrière des constructions juridiques inconnues du droit français un patrimoine considérable qui échappait ainsi en grande partie à l'impôt" et a parlé d'une "claire intention d'évasion patrimoniale et fiscale".
Les juges ont estimé qu'en dépit de ces éléments à charge, ils manquaient d'"éléments légaux" pour condamner les prévenus. Le président, tout en reconnaissant que la décision serait "incomprise", a en particulier invoqué des lacunes du droit français.
Ces éléments intentionnels "sont justement de nature à caractériser le délit de fraude fiscale", a rétorqué vendredi le PNF, soulignant que le tribunal était allé à l'encontre de ses réquisitions, mais aussi des conclusions de l'administration fiscale et des juges d'instruction.
Le tribunal a aussi relevé des lacunes dans l'enquête. Il a ainsi regretté "qu'aucune investigation n'ait été menée" pour entendre les gestionnaires des "trusts" des Wildenstein, ces sociétés de droit anglo-saxon souvent accusées de faciliter la fraude fiscale.
Les juges disent dans le même temps avoir "parfaitement conscience des difficultés à mener des investigations dans des pays dont la caractéristique principale n'est pas la collaboration fiscale et judiciaire".
'Filières de dissimulation'
La relaxe a été vivement critiquée par des ONG spécialistes de la lutte contre la fraude fiscale et contre la corruption.
Manon Aubry, pour Oxfam France, a considéré qu'il s'agissait "un peu d'un jugement d'impuissance".
Daniel Lebègue, président de Transparency International, s'est dit "scandalisé". "Ce que l'on sait du dossier démontre la mise en place de filières de dissimulation. Quel autre objectif que l'évasion fiscale pouvaient-elles avoir?", a-t-il demandé.
Pour cette institution encore jeune qu'est le PNF, créé en 2013 après le scandale Cahuzac, l'affaire Wildenstein est un enjeu de taille. Au-delà de la famille elle-même, sont en cause tous les montages passant par des trusts avant 2011.
Ce n'est en effet que depuis cette date qu'une loi, d'ailleurs dite "Wildenstein", règle précisément en France la fiscalité de ces sociétés-écran, apparues dès le Moyen-Age dans le droit anglo-saxon et qui occupent des juges français depuis... 1880.
Le tribunal avait mis en avant ce vide législatif en faveur des Wildenstein, puisque les deux héritages attaqués remontent à 2001 et 2008.
L'ancien ministre Jérôme Cahuzac, dont le compte caché est à l'origine de la création du parquet national financier, n'avait, lui, pas eu recours à des "trusts" pour fuir l'impôt. Condamné en décembre à trois ans de prison ferme, il a fait appel et sera donc, lui aussi, à nouveau jugé.
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