En ce début janvier, ce chercheur indépendant a hâte de retrouver Roméo, Germine, Vanessa, Delphine et surtout Eliot, son préféré: il y va deux fois l'an depuis 2013 mais "ce n'est jamais assez", glisse ce grand brun longiligne et souriant.
"Ils voient mal mais ont des systèmes de perception incroyables, ils nous reconnaissent", assure celui dont le porte d'attache reste une maison familiale dans la Drôme.
C'est son ami et grand spécialiste de l'image sous-marine, René Heuzé, qui l'a emmené dans ce coin de l'océan Indien.
Normalement, leur collaboration à des documentaires finance leurs expéditions. Cette année, "on cherche encore à boucler le budget", confie François Sarano.
A la soixantaine passée, sa détermination à observer le monde marin à travers son masque, et pas seulement depuis un bateau ou un laboratoire, est intacte. Il a déjà son billet d'avion pour Port-Louis en poche. Pour rien au monde, il ne manquerait ces retrouvailles avec ces mastodontes de plusieurs dizaines de tonnes qu'il trouve "délicats".
"Ces animaux magnifiques, puissants nous offrent des rencontres bouleversantes qui montrent que sauvage ne veut pas dire agressif, mais libre et indompté", poursuit le scientifique.
En 2016, vingt ans après sa dernière expédition avec l'homme au bonnet rouge, il s'est retrouvé sur le film de Jérôme Salle "l'Odyssée" : il doublait Lambert Wilson jouant Cousteau dans les scènes de plongée.
De ses 13 années de mission sur La Calypso, il garde une grande admiration pour "la gourmandise de vie et d'exploration" de Cousteau. "Il aimait transmettre et avait l'audace de vous faire confiance."
Pourfendeur de la surpêche
François Sarano a aussi ce goût de la transmission, qu'il met en oeuvre dans des conférences et en écrivant des documentaires.
Il a été co-auteur du film "Océans" (2010), réalisé par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, et d'une série de documentaires intitulée "La planète des géants" qui sera diffusée sur France 5.
Les cachalots de l'Ile Maurice y auront une bonne place. Au fil des ans, le chercheur en a identifié une cinquantaine, répartis dans plusieurs groupes, et il suit en particulier un clan de 14.
Après plus de 40 ans de plongée dans toutes les mers du monde, il dit avoir trouvé auprès de ces baleines à dents à la tête en forme de parallélépipède "quelque chose de différent".
"Sous l'eau, les relations avec les animaux sont faibles, ils vous acceptent sans plus", mais les cachalots "développent une curiosité stupéfiante à l'égard des hommes". Eliot, son chouchou, est encore "plus curieux, plus entrepreneur, plus attentif à notre présence".
Un jour, il a même "dansé" avec lui : "Je me tournais sur le dos, il faisait de même, sur le ventre, idem, et cela a duré plusieurs minutes", raconte-t-il l'oeil brillant. Un peu comme ce qui est possible avec des dauphins.
Mieux : l'enregistrement sonore montre que l'animal a émis des "codas", des bruits ressemblant à des séries de claquements de langue, "normalement réservés à la communication entre cachalots". Cela a alimenté sa soif d'analyser des centaines d'heures de bandes sonores pour tenter - un jour - d'associer des codas avec des comportements. Mais "on en est loin", reconnaît-il.
Peu importe. Au moins aujourd'hui, les cachalots ne sont plus chassés par l'Homme. Ce n'est pas le cas des requins de Méditerranée, tous en danger, qu'il défend avec son association Longitude 181.
"Notre société ne regarde le monde que comme un puits de ressources", se désole ce pourfendeur de la surpêche, souhaitant "réconcilier l'homme et la vie sauvage".
"Nos outils modernes nourrissent le cerveau, l'intellect; c'est bien, mais ce sont la nature, le monde sauvage qui nourrissent l'âme et le coeur", dit-il.
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