"La sécurité est revenue, les boutiques du marché ont rouvert et les clients sont là", se réjouit Haj Fawzi dont la boucherie fait étrangement face à celle de son frère, Haj Ramzi.
Ce dernier tempère: "la seule chose qui manque c'est de pouvoir sortir et de revenir librement pour aller s'approvisionner", car les habitants de Mossoul ne peuvent pas encore aller et venir hors de leur ville comme bon leur semble.
La deuxième ville d'Irak est en effet loin d'avoir été totalement reprise au groupe Etat islamique (EI). Les forces irakiennes ont annoncé mercredi contrôler 80% de la partie Est tandis que celle de l'Ouest reste totalement aux mains des jihadistes.
Mais grâce à la remise en service de la route qui mène vers le Kurdistan irakien il y a quelques semaines, les affaires ont déjà repris. Pour preuve: les camions gorgés de denrées sont à touche-touche aux barrages de l'armée érigés à l'entrée de la ville.
Abdo, 25 ans, compte en profiter pour rouvrir, "si Dieu le veut", son épicerie qui a dû fermer à cause des combats avant que son quartier de Qadissiyah 2, dans l'est de Mossoul, ne soit repris par les forces irakiennes.
En attendant, le jeune homme s'occupe en raccordant, pour neuf dollars, les maisons à un groupe électrogène. "Lorsque c'est une famille dans le besoin, je la raccorde gratuitement", affirme le jeune homme à la fibre sociale.
Du toit de la maison familiale, la vue est imprenable sur l'ouest de la ville. D'un quartier proche où les combats font rage, s'élève une colonne de fumée. Attentat à la voiture piégée? Roquette? "On s'habitue", soupire Omar, le jeune frère d'Abdo.
Autour de chez eux, certaines maisons ont été totalement détruites, mais la plupart des bâtiments sont encore debout. Leur petite entreprise familiale, une épicerie installée dans leur courette, a fermé lorsque les combats entre les jihadistes et les forces irakiennes ont commencé à se dérouler sur le pas de leur porte.
Maquillage et rouge à lèvres
Abdo était commerçant, même sous l'EI. "Les produits venaient de Raqa (fief syrien des jihadistes, ndlr) ou de Turquie. On ne vendait pas de Coca, qui était interdit, et les produits syriens autorisés étaient franchement mauvais".
Les deux frères et leur mère Oum Omar comptent sur le retour de l'autorité du gouvernement de Bagdad pour importer des sodas, des chips et de la lessive du Kurdistan irakien voisin -- comme avant que l'EI ne fasse de Mossoul son bastion irakien en juin 2014.
Sur le marché, Oum Ashraf scrute l'étal d'un vendeur de maquillage et de rouge à lèvres. Chose impensable lorsque l'EI tenait encore le quartier. "C'était interdit! Cela se vendait sur le marché noir", s'exclame-t-elle. "Maintenant, nous sommes libres".
Mais, regrette Oum Ashraf, les conditions restent difficiles: "nous n'avons ni eau, ni électricité. Nous utilisons l'eau du puits et ça n'est pas sain".
Sur le boulevard qui borde le marché, une équipe du ministère de l'Electricité s'affaire à remettre de l'ordre dans le réseau.
Un peu plus loin, sur la pelouse synthétique du "Stade Doha", Omar, le frère d'Abdo, et une bande d'adolescents tapent le ballon.
"Sous Daech (acronyme arabe de l'EI), on pouvait jouer au foot, mais on avait peur des bombardements" menés pour la plupart par la coalition internationale antijihadistes qui épaule l'armée irakienne, explique Oussama, 22 ans, et fan inconditionnel du joueur argentin Lionel Messi. "Aujourd'hui on joue au foot, on joue aux cartes, on fume le narguilé, mais ça sous Daech, c'était interdit".
Le énième vrombissement d'une explosion dans un quartier voisin ne fait sursauter personne dans le petit groupe. "On s'est habitué", lâche Oussama.
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