En juin 2015, un sondage CSA pour le réseau immobilier Guy Hoquet révélait que les colocataires sont aujourd'hui majoritairement des actifs, à 54% contre 45% d'étudiants.
"C'est un style de vie qui est recherché, plus que l'économie", explique Fabrice Abraham, directeur général de Guy Hoquet. "Ca permet d'habiter un très bel appartement bien situé et la vie en coloc, avec ses droits et ses devoirs, plaît énormément".
Un "coup de foudre amical" a réuni Manon, Elise et Amélie, trois enseignantes de 26, 34 et 33 ans.
Après avoir monté une société civile immobilière (SCI), elles ont acheté l'appartement de leurs rêves: 115 m2 dans le nord de Paris.
"C'est pas un placement financier, c'est un projet de vie", expliquent-elles d'une seule voix. Un projet qui n'a pas forcément séduit leur entourage. Il a fallu affronter les plaisanteries - "Y'a du cul entre vous ?" -, "Prouver qu'on est pas des hippies".
La faute à "la norme", dit Manon. "Trois filles dans la fleur de l'âge, c'est bizarre... Notre courtière nous a fait confiance, elle sent même qu'elle a une niche".
"Acheter à plusieurs quand on a aucun lien de parenté ou de conjoint, c'est une galère", admet Cécile Roquelaure, responsable chez le courtier Empruntis. D'autant que "la société change beaucoup plus vite que les pratiques bancaires".
Après "beaucoup de paperasse, d'appréhension et de réunions, les mises en garde du notaire", trois garçons qui se connaissaient depuis la maternelle ont fait l'acquisition de 300 m2 dans les Yvelines, avec trois parties séparées, raconte Sophie, la compagne de l'un d'entre eux.
Prix de l'immobilier, rejet d'un mode de vie, peur de tomber dans un schéma classique ? Beaucoup prônent un habitat partagé par militantisme.
Selon la sociologue du logement Monique Eleb, "ce n'est pas nouveau, ça existait déjà dans les années 1970". Elle préfère parler d'un "renouveau, avec un refus de la propriété et l'attractivité de la mutualisation".
La spécialiste dresse un profil assez clair : "classe moyenne, salaire confortable. Ils ont le pouvoir de choisir leur vie, c'est donc très très peu de gens".
"Conditions de luxe"
Pour Emmanuel, tout plutôt que de vivre "dans un cube à côté d'un autre cube". Avec trois cousins et un ami entre 25 et 32 ans, ils ont acheté en 2015 une maison de 260 m2 à Pantin en indivision. Cinq appartements avec cuisine et salle de bains et "une grande pièce salon-cuisine qui donne sur le jardin", réservable pour "une fête, un déjeuner avec la famille, de la méditation..."
Pour prendre des décisions, "c'est le principe non pas du consensus mais du consentement, qui veut que personne ne soit pas d'accord", déclare Emmanuel.
Chez Sarah (prénom changé) et ses "coloc" aussi, "entre copains, tout se cadre" : "personne n'ouvre les portes des chambres à la volée, ne va brailler le soir", dit-elle. Dans la maison de Montreuil, vivent 11 locataires : sept adultes et quatre enfants de 8 mois à 13 ans. Les disputes ? "Le fait qu'on soit très nombreux, ça fait tampon".
Maud, chef de projet dans l'associatif, avait "toujours vécu en coloc". Même lorsque la trentenaire tombe enceinte, elle ne renonce pas à emménager dans le duplex-terrasse de 80m2 du XIe arrondissement.
Les cinq locataires (deux couples + le petit Jasmin) indexent leur contribution au loyer sur leurs revenus. Pas d'économie réelle, mais des "conditions de luxe en plein Paris".
Côté intimité, "si tes colocs se sont engueulés la veille, tu le sais. S'ils sont trop amoureux, on le sait aussi", raconte Maud.
Si elle fait le bonheur de ses adeptes, la coloc bouscule: les parents de Jasmin se sont entendus répondre par la psy de la crèche, lorsqu'ils s'interrogeaient sur les pleurs du bébé, qu'elle n'avait "jamais vu un enfant grandir dans une coloc".
Les deux couples, qui voulaient devenir propriétaires, se sont résolus à acheter deux appartements. Il s'installeront en juillet à Bagnolet... sur le même palier. "Seul un mur porteur nous séparera".
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