"C'est une expérience unique", se souvient Lila, deux ans après l'aventure. Son départ à Dublin a permis à cette Française de 24 ans, étudiante en commerce à l'époque et aujourd'hui salariée, de "mûrir, grandir" et de "rencontrer plein de gens".
C'est le 15 juin 1987 que voit le jour le programme européen, baptisé en mémoire d'Erasme, l'un des grands humanistes de la Renaissance.
A l'origine, il permettait aux seuls étudiants de partir suivre une année de cursus à l'étranger. Mais il n'a cessé de s'étendre, passant de 11 à 33 pays participants. Rebaptisé Erasmus+, il s'est aussi élargi aux élèves du primaire et du secondaire ou de lycées professionnels.
Au total, sur les 5 millions de personnes bénéficiaires, 3,3 millions d'étudiants ont pu vivre l'aventure, qui sera célébrée lundi à Paris à l'Odéon-Théâtre de l'Europe. L'anniversaire sera fêté aussi le 26 janvier à Bruxelles, avant d'autres événements au long de l'année.
Erasmus a même eu les honneurs du cinéma. Le film à succès "L'Auberge espagnole" de Cédric Klapisch (2002) montre un jeune Français parti à Barcelone pour étudier et... largement occupé par ses tracas sentimentaux.
Une étude publiée en 2014 estimait d'ailleurs que plus d'un million de bébés sont nés depuis le lancement d'Erasmus de couples formés lors des séjours d'étude.
Pour les responsables d'Erasmus+ qui viennent de dresser le bilan des 30 ans, la construction d'"une citoyenneté européenne" et d'"une Union européenne plus équitable, plus inclusive et durable" est en marche.
"Le succès est indéniable", abonde Jean-Luc Nahel, chargé des relations internationales à la Conférence des présidents d'universités (CPU) françaises. "Il y a 20 ans dans les universités ce n'était pas très intéressant", explique-t-il à l'AFP. "Aujourd'hui, la mobilité internationale des étudiants est l'un des éléments qui permet de juger les universités".
"Volonté politique" et Brexit
Quel avenir pour ce programme plébiscité, alors que l'Union européenne n'a jamais autant douté d'elle-même?
Les partenaires européens sont "en ce moment même en train de renégocier le futur programme Erasmus+ et regardent de plus près quelle est la volonté politique pour après", souligne le porte-parole d'Erasmus+, Lucas Chevalier.
Si l'enjeu incontournable, selon lui, est celui des "moyens alloués pour répondre à la demande croissante", dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, le programme est ébranlé par la perspective d'une sortie du Royaume-Uni de l'UE.
Certes, pour le directeur des affaires étudiantes à Oxford, Den Moore, le prestigieux établissement "entend rester une communauté florissante et cosmopolite", et "le résultat du référendum britannique ne changera pas cela. Nos étudiants du monde entier seront aussi chaleureusement accueillis qu'ils l'ont toujours été".
"Perdre Erasmus serait un choc conséquent pour Oxford et de nombreuses universités du Royaume-Uni", admet cependant Loren Griffith, directeur de la stratégie internationale à Oxford.
Se voulant rassurant, le ministre britannique des Universités, Jo Johnson, a annoncé en octobre que les règles allaient rester inchangées pour les étudiants de l'UE pour la rentrée 2017-2018, notamment en ce qui concerne les frais d'inscription, et "ce pour l'intégralité de leur cursus".
Mais l'incertitude sur la date effective du Brexit n'aide pas à y voir clair.
Ainsi, la célèbre université de Cambridge a fait part de ses craintes en décembre, indiquant que les demandes d'inscription en provenance de l'UE pour 2017 avaient baissé de 14,1%, passant de 2.651 à 2.277.
Etudiant français en échange depuis septembre à l'université de Durham (nord-est de l'Angleterre), Younes, 19 ans, inscrit dans un cursus d'histoire, en est en tout cas convaincu: "Erasmus+, c'est indiscutablement une des choses les plus positives de l'Union européenne".
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