Une vingtaine de ces "ex-mineurs transplantés" ont été entendus vendredi à Paris par les cinq experts de la commission d'information et de recherche historique sur la migration forcée de ces enfants, créée en février 2015.
D'autres le seront dimanche à Guéret (Creuse). Une première audition a eu lieu en octobre à la Réunion.
L'objectif, "c'est de leur donner la parole, connaître leurs difficultés, leurs attentes, leurs espoirs", a expliqué le sociologue Philippe Vitale, président de la commission chargée d'"approfondir la connaissance historique sur les Enfants de la Creuse et contribuer à sa diffusion", qui rendra ses conclusions dans un an.
Les "Enfants de la Creuse" est le nom donné à ces enfants réunionnais qui, suivis par les services sociaux, ont été reconnus pupilles de l'État souvent sans réel consentement de leurs parents, et placés en foyers, familles d'accueil ou familles adoptives dans 64 départements de l'hexagone touchés par l'exode rural, notamment dans la Creuse.
Des migrations forcées, au motif de résoudre les problèmes de démographie galopante et de grande pauvreté que connaissait alors La Réunion, et organisées par le Bumidom, Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer créé en 1963 sous l'impulsion du député de la Réunion Michel Debré.
La commission a établi que ces enfants étaient 2.150. Arrachés à leur île et leur famille, ils n'ont parfois jamais remis les pieds à La Réunion, ont perdu tout contact avec leurs familles, ne connaissent pas leur histoire.
C'est le cas d'Anne David, 48 ans. Elle explique à l'AFP n'avoir découvert son passé qu'en novembre dernier en regardant une émission de télévision qui a fait ressortir des souvenirs, notamment de la pouponnière de Saint-Denis de La Réunion, par laquelle beaucoup d'enfants déplacés ont transité.
"crime contre l'enfance"
Elle souhaite que la commission "puisse faire toute la transparence" et permette à tous ceux qui le souhaitant "d'accéder à leurs dossiers complets", sans obstruction.
Adoptée à 18 mois par une famille "aimante" du Finistère, qui la soutient dans ses recherches, elle a appris être issue "d'une fratrie de sept". "Où sont mes frères et soeurs ?" demande-t-elle, souhaitant aussi "avoir l'opportunité de se rendre à La Réunion".
C'est "la priorité", pour Valérie Andanson, de la Fédération des Enfants Déracinés des départements et régions d'outre-mer: "obtenir des billets d'avions et des solutions d'hébergement" pour se rendre dans une île natale que "beaucoup n'ont jamais revue".
"Je veux retrouver ma véritable identité. Aujourd'hui, je n'ai plus aucune racine", déplore cette femme de 53 ans transplantée dans la Creuse à 3 ans, avec ses 5 frères et soeurs, dans des familles séparées. "Je n'ai appris que j'avais des frères et soeurs qu'à 16 ans", raconte-t-elle, réclamant que "notre histoire soit reconnue comme un crime contre l'enfance".
D'autres demandent un lieu mémoriel et l'inscription de cet épisode dans les manuels scolaires.
"Il est urgent que le monde entier sache", explique Sylvie Arcos, 49 ans, débarquée à 3 ans et demi, avec son frère de 5 ans, et adoptée par une famille bretonne, sans que sa mère ait jamais signé d'acte d'abandon. "Il y a encore des personnes qui ne savent pas qu'elles font partie de cette histoire".
Elle demande aussi une cellule psychologique spécifique, car "cette histoire, il faut la digérer". "J'ai une douleur qui est toujours là", avoue-t-elle, déplorant des "dommages collatéraux: mes enfants sont en manque de racines. Ma fille m'a dit: +je n'aurais jamais dû naître en métropole".
En février 2014, l'Assemblée nationale a reconnu la "responsabilité morale" de l'Etat dans cette migration forcée.
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