"2015 a été l'année de la survie, 2016 celle de la stabilisation", explique à l'AFP Riss, le directeur de la rédaction de "Charlie", dont le numéro titre cette semaine avec ironie: "2017, enfin le bout du tunnel", un personnage regardant dans le canon d'un fusil tenu par un islamiste.
"En 2017 il faut peut-être qu'on soit plus offensifs", ajoute le patron du journal satirique, désormais installé dans des locaux ultrasécurisés.
Le 7 janvier 2015, la France basculait dans une ère de violence jihadiste qui a fait, depuis, 238 morts.
Ce jour-là deux hommes armés, les frères Saïd et Chérif Kouachi, entraient au siège parisien du journal satirique et tuaient des caricaturistes célèbres : Cabu, Charb, Honoré, Tignous et Wolinski.
Ils assassinaient avec eux la psychiatre Elsa Cayat, l'économiste Bernard Maris, le correcteur du journal Mustapha Ourrad, le journaliste Michel Renaud, le policier Franck Brinsolaro, garde du corps de Charb, et l'agent de maintenance Frédéric Boisseau. Une fois sortis, ils tuaient le policier Ahmed Merabet, avant d'être abattus, deux jours plus tard.
Très vite, le hashtag #JeSuisCharlie était partagé massivement sur Twitter, devenant un emblème de la liberté d'expression alors qu'un autre jihadiste, Amédy Coulibaly, tuaient cinq personnes les jours suivants à Montrouge puis à l'Hyper Cacher de la Porte de Vincennes à Paris.
Jeudi, des hommages vont être rendus aux victimes par le gouvernement et la maire de Paris Anne Hidalgo. Un hommage organisé par le Crif aura lieu le lundi 9 devant l'Hyper Cacher, strictement réservé aux otages et aux familles des disparus.
Devenu un symbole, le journal provoque quasiment à chaque numéro une levée de boucliers, quelque part dans le monde, et continue à recevoir des menaces de mort.
Le président russe Vladimir Poutine s'est demandé début décembre si "ces caricaturistes avaient besoin d'infliger une insulte aux représentants de l'islam".
En justice, "Charlie" est régulièrement attaqué: par une association de défense des handicapés ou par une ville italienne touchée par un séisme dont les victimes ont été dessinées en pâtes.
'Le rire vous fait peur'
"Curieusement, on a l'impression que les gens sont devenus encore plus intolérants à l'égard de Charlie", constate Riss.
Dans le numéro de mercredi, la rédaction attaque férocement les intellectuels qui critiquent ses prises de position sur le terrorisme et l'islam.
"Le rire vous fait peur, car il libère l'esprit comme aucune autre artillerie humaine", leur lance le journaliste Fabrice Nicolino dans un article intitulé "Cette gauche qui s'est toujours couchée devant les despotes".
"Le problème, c'est tous les croyants musulmans qui pensent que, malgré tout, il ne faut pas rire de la religion. Ces gens, de fait, même s'ils ne sont pas terroristes, pensent comme eux", lance Riss dans un dessin de Coco.
Depuis l'attentat, plusieurs membres de "Charlie" ont annoncé leur départ, en désaccord avec sa ligne ou pour raisons personnelles: le dessinateur Luz, l'urgentiste Patrick Pelloux ou la journaliste Zineb El Rhazoui.
"Je m'interroge sur la faculté de Charlie Hebdo à continuer à porter le flambeau de l'irrévérence et de la liberté absolue", a déclaré à l'AFP Zineb, favorable à un nouveau statut pour le journal, qui appartient à Riss et son directeur financier Eric Portheault.
D'autres sont devenus des piliers du journal, comme les dessinateurs Juin, Félix et Foolz, auteur de la couverture de cette semaine.
Si les plus de 260.000 abonnements souscrits après les attentats n'ont pour la plupart pas été renouvelés, le journal se vend bien davantage qu'avant 2015: 50.000 exemplaires en kiosques et plus de 50.000 par abonnement chaque semaine, contre 30.000 auparavant, selon sa direction. Après une forte baisse, le nombre d'abonnements a remonté ces derniers mois.
Charlie Hebdo dispose désormais d'un trésor de guerre d'une dizaine de millions d'euros qui doit lui permettre de lancer de nouveaux projets: il traduit une partie de ses articles en anglais sur son site internet et a lancé une version allemande en kiosque en novembre.
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