Il y a six ans, ce membre des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), qui viennent de signer un accord de paix historique après 52 ans de guerre, poursuivait un adversaire lorsqu'il a marché sur une mine anti-personnel dans le nord-ouest du pays.
Il raconte avoir volé sur "une quinzaine de mètres", à cause du souffle de l'explosion, et s'être retrouvé en sous-vêtements alors qu'il portait l'uniforme juste avant.
"C'est très difficile quand on n'a pas appris à perdre un pied", déclare-t-il à l'AFP depuis le campement des Farc, à Vegaez, entouré de jungle au bord de la rivière Arquia. Selon l'accord de paix, les rebelles devront se concentrer dans une zone située à proximité et y déposer leurs armes sous la supervision de l'ONU.
Ce jeune homme à la peau mate, originaire de la côte caraïbe colombienne, dit n'avoir aucune rancoeur et ne pas faire de cauchemar, même s'il reconnaît avoir "perdu la tête" pendant un temps. Quand des civils voient sa "vilaine cicatrice", il éprouve de la honte.
"Nous sommes en paix, mais il est clair que tout cela est arrivé en temps de guerre. C'est un souvenir que l'on conserve", assure Jair, l'une des 11.500 victimes de mines anti-personnel qui parsèment ce pays, le deuxième au monde plus affecté par ces discrets engins explosifs.
Jair a rejoint les Farc convaincu de la nécessité de transformer la Colombie. Mais aujourd'hui, il dit souffrir à cause des blessures qu'il a pu infliger durant le conflit.
"Cela me pèse car c'est une guerre entre paysans où l'on s'est tué entre nous", souligne-t-il.
La violence en Colombie, qui a impliqué guérillas, paramilitaires et forces armées, a fait au moins 260.000 morts et plus de 60.000 disparus.
'Devenir amis avec eux'
Dans ce même campement où les guérilleros se préparent au retour à la vie civile, Mileidy, une jeune femme de 19 ans d'ascendance africaine porte les stigmates des bombes de l'aviation colombienne.
Il y a un an, un avion militaire a visé son campement. L'explosion l'a projetée au sol et a laissé plusieurs éclats au niveau de ses jambes et de son bras droit. Nombre d'entre eux sont incrustés dans ses os.
"On ressent un courant électrique qui va en augmentant et ça fait très mal", témoigne-t-elle, le regard sévère. Mileidy espère qu'une fois sortie de la clandestinité, les éclats pourront lui être retirés.
Cette jeune femme, qui a troqué les traditionnelles bottes en caoutchouc vert olive pour des chaussures en plastique de type "Crocs", ne regrette pas d'avoir attaqué ses adversaires.
"Eux, ils tiraient pour nous tuer, alors nous, comment pouvions-nous nous sentir mal en en attrapant un (ennemi) et en le tuant ?", fait-elle valoir.
Avec le même aplomb, elle reconnaît que l'heure est venue de se réconcilier : "Maintenant que nous sommes dans un processus de paix, on doit devenir amis avec eux, c'est comme ça".
Le gouvernement de Juan Manuel Santos et les Farc ont signé un cessez-le-feu bilatéral, qui est en vigueur depuis le 29 août. Selon le Centre de ressources pour l'analyse des conflits (Cerac), depuis lors, "il y a eu un respect quasi complet des engagements et des protocoles".
"Personne n'aime la guerre", estime Sébastian, qui porte encore l'uniforme de camouflage et a passé plus de deux décennies dans les rangs des insurgés.
En janvier 1998, alors qu'il avait 19 ans, il a perdu l'oeil droit dans un affrontement avec les paramilitaires. "Le combat, ce n'est pas bon, mais il faut parfois y aller", assène-t-il.
Il sait avoir causé de la douleur à des familles, mais la "guerre est comme ça", souligne cet homme qui a hâte de voir les Farc devenir un mouvement politique.
"Il n'y aura plus de combats. De toute façon, il faut pardonner", conclut-il.
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