Ivan Rogers, nommé en novembre 2013 par l'ancien Premier ministre David Cameron, aurait dû jouer un rôle de premier plan dans les négociations sur le Brexit.
"Il y a très peu d'expérience sérieuse pour ce qui est des négociations multilatérales à Whitehall", le quartier des ministères de Londres, a regretté M. Rogers dans une long mail adressé au bureau qui représente le Royaume-Uni auprès de l'UE, pointant du doigt l'écart qu'il a observé entre la préparation de Londres et celle des institutions européennes pour négocier le Brexit.
"J'espère que vous continuerez à contrer les arguments infondés et les raisonnements confus et que vous n'aurez jamais peur de dire la vérité à ceux qui sont au pouvoir", a-t-il ajouté dans son mail, publié sur le site du Times mardi soir, quelques heures après la confirmation de sa démission.
Changer d'ambassadeur, si près d'une échéance stratégique dans ce dossier, "n'est pas idéal", a regretté Hilary Benn, président de la Commission parlementaire sur le Brexit, sur la BBC.
La Première ministre conservatrice Theresa May doit activer l'article 50 du Traité de Lisbonne, qui ouvrira les négociations de sortie, avant la fin du mois de mars. Cela lancera un compte à rebours de deux ans, à l'issue desquels le Royaume-Uni quittera le bloc européen.
Avec la démission mardi de M. Rogers, Mme May perd "l'un des rares responsables de haut niveau britannique à comprendre l'UE", a estimé le directeur du centre d'études sur les questions européennes Centre for European Reform, Charles Grant.
'Zone d'incertitude dangereuse'
Cette démission a été saluée par les partisans d'une sortie sans compromis de l'UE, à l'instar d'Arron Banks, le président de "Leave.EU", une organisation pro-Brexit.
"C'est un homme qui affirmait qu'il faudrait 10 ans pour faire un accord sur le Brexit", a-t-il déclaré dans un communiqué. "En démissionnant, il a enfin pris la décision qui s'imposait".
Nigel Farage, ex-chef du parti europhobe Ukip, a salué ce départ, affirmant sur Twitter que "le Foreign Office a besoin d'un grand ménage".
Le ministère des Affaires étrangères n'a pas commenté les raisons de cette démission. Mais le diplomate s'était récemment attiré les foudres des partisans d'une coupure nette et radicale avec l'UE.
Le mois dernier, il avait été au coeur d'une polémique après la fuite de propos tenus devant des ministres britanniques. Il leur avait expliqué qu'aux yeux des 27 autres Etats membres de l'UE, la signature d'un nouvel accord commercial entre le Royaume-Uni et l'UE post-Brexit n'interviendrait pas avant une bonne dizaine d'années.
Lors de cette rencontre, en octobre, M. Rogers avait également relevé le risque que le futur accord soit rejeté par les parlements de ces pays, qui devront tous être consultés.
"Ce n'est pas la position de Sir Ivan Rogers et ce n'est pas la position du gouvernement", avait réagi le porte-parole de Downing Street. "L'ambassadeur a répercuté des avis qui lui sont parvenus, comme il se doit", avait-elle ajouté, réaffirmant l'objectif du gouvernement d'arriver à un accord pendant les deux ans de négociations.
Les propos d'Ivan Rogers avaient déclenché la fureur des partisans du Brexit, tandis que des sources diplomatiques à Bruxelles avaient estimé que le diplomate avait peut-être été la victime de pro-Brexit soucieux de se débarrasser de lui.
"Sa démission n'est pas une surprise pour ceux qui travaillent avec lui", a commenté un diplomate européen. "Il était très compétent, mais pas convaincu par la décision d'un Brexit et la ligne du gouvernement britannique, qui entraînera le Royaume-Uni dans une zone d'incertitude dangereuse".
Un porte-parole de la représentation britannique à Bruxelles a précisé que M. Rogers, qui devait rester en poste jusqu'en octobre, quitterait ses fonctions dans les semaines qui viennent. Son remplaçant "sera nommé prochainement", a-t-il ajouté.
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