"À Caudebec, j'irai. Un appartement, j'en aurai un. Des copains, j'en aurai. Et je vous emmerde !", lance M. Vannet à ses parents dans le film tourné en Normandie, mais inspiré de sa vie dans le Nord. Cette phrase, il l'a vraiment prononcée, sauf qu'il ne s'agissait pas de Caudebec, mais d'Aulnoye-Aymeries, "la grand ville", avec "son centre" et "son Leclerc", dont rêvait M. Vannet.
Né en 1960 d'un père ouvrier dans le charbon et d'une mère sans profession, Daniel Vannet grandit dans une famille de neuf enfants. Il quitte l'école sans savoir lire ni écrire et travaille 23 ans pour une cave à vin à Maubeuge. "Je bossais à temps complet, mais mon patron me payait à mi-temps, je m'en suis rendu compte qu'après, c'est vraiment dégueulasse !", s'énerve-t-il, attablé dans sa petite maison de lotissement.
C'est en 2010, à 50 ans, que ce petit homme rondouillet, plein de bonhomie, décide de "tout larguer" pour prendre son indépendance à Aulnoye-Aymeries où il va apprendre à lire et écrire avec l'association "Mots et merveilles", où il se rend encore trois fois par semaine.
Les quatre jeunes réalisateurs de "Willy 1er", sorti en salle le 19 octobre et qui enregistre 32.000 entrées, l'ont repéré dans un reportage de France 2 consacré à l'illettrisme.
Après deux courts-métrages, "Ich bin eine Tata" (2014) et "Perrault, La Fontaine, Mon Cul" (2015), "on voulait faire un long métrage pour raconter sa vie, son émancipation sur le tard", relate Zoran Boukherma, l'un des réalisateurs, qui décrit un "battant".
'La vedette d'Aulnoye-Aymeries'
"Tout de suite, Daniel a été très à l'aise devant la caméra. Il est toujours juste, il a un panel d'émotions qui est assez incroyable et il est très touchant", relate Marielle Gautier, l'une des réalisatrices, évoquant un homme "très marrant" avec "énormément d'autodérision".
Même si c'était "long", M. Vannet garde un souvenir "joyeux" du tournage. "Des fois, je me disais qu'ils étaient fadas les jeunes, pour une scène, on est restés dix heures sur un terrain de foot ! Mais ils étaient chics, on s'est amusés comme des petits fous".
Le film, tourné en sept semaines début 2016, a raflé plusieurs récompenses, dont le prix d'Ornano-Valenti au Festival du cinéma de Deauville, et il a été présenté au Festival de Cannes dans la sélection parallèle de l'ACID.
"A Cannes, c'était bien, il faisait beau, j'ai croisé Annie Cordy comme star", se souvient l'acteur qui a joué au côté de Noémie Lvovsky. Vannet "était totalement en décalage à Cannes, c'était amusant. Il était dans son petit smoking, mais il n'a pas du tout les codes et il s'en fout, il a une espèce de légèreté, c'est assez agréable d'avoir un gars qui n'est pas du tout impressionné par le dispositif", témoigne Zoran Boukherma.
Finalement, "sa plus grande fierté, c'est quand son film a été projeté au théâtre Léo Ferré à Aulnoye-Aymeries, devant beaucoup de gens qu'il connaissait", confie Caroll Weidich, "trèfle à quatre feuilles" de Daniel Vannet et directrice de l'association "Mots et Merveilles".
Des projets dans le cinéma ? Un réalisateur l'a contacté pour un court-métrage, mais pour l'heure, "c'est repos", dit M. Vannet, fan de l'équipe de basket féminine de sa ville, dont il ne rate aucun entraînement.
"J'ai bien mené ma barque. A 56 ans, j'ai le scooter, un appartement, mes copains et je signe même des autographes. Et en 2017, je vais à Los Angeles présenter le film... faut que j'en profite, tant que je suis encore jeune...", conclut la "vedette d'Aulnoye-Aymeries".
A LIRE AUSSI.
Budapest, nouvelle usine à rêve hollywoodien
Musique : Pierre Barouh est mort, l'auteur de "la bicyclette" d'Yves Montand
Pierre Barouh est mort à 82 ans
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.