La zone est en proie à une insurrection violente. Les rebelles contestent la mainmise de Bangkok sur leur région et la politique d'assimilation de la Thaïlande, en répandant la peur et en multipliant les assassinats, les embuscades et les attentats à la bombe.
"J'ai peur. Personne ne sait ce qui peut se passer dans ce train", explique Ka-Yoh, 70 ans.
Cette femme âgée vient de monter dans l'un des premiers trains au départ après un mois d'interruption du service, en raison d'un attentat commis début septembre. La dernière voiture avait alors été éventrée par une bombe, tuant un employé de la compagnie.
"Nous n'avons pas d'autre moyen pour voyager! Alors moi je trouve qu'il vaut mieux manger, dormir et si je me réveille à ma station, je serai heureuse... tout cela est entre les mains de Dieu", ajoute Ka-Yoh en dégustant des mangues.
La ligne traverse les provinces de Pattani, Yala et Narathiwat, les principaux territoires du sud musulman colonisé par la Thaïlande en 1909. Le conflit qui oppose les rebelles musulmans au gouvernement de Bangkok, oublié de la scène internationale, a déjà fait quelque 6.800 victimes en 13 ans, majoritairement des civils.
La fin de la violence, un rêve lointain
La semaine passée, de nouveaux pourparlers entre la junte du pouvoir et des rebelles se sont tenus de façon secrète. Mais la fin des violences reste un rêve lointain.
La ligne de chemin de fer, qui serpente au milieu des plantations de caoutchouc luxuriantes, est un moyen de transport peu cher pour les habitants. Mais c'est aussi une cible de choix pour les rebelles qui y voient un symbole de l'état centralisateur thaïlandais.
Dans ce contexte, les autorités ont fait du maintien de cette ligne un point d'honneur: des soldats armés patrouillent dans chaque train et d'autres forces de sécurité tout de noir vêtu sont déployées en continu dans les gares.
"Les attentants sont un problème, c'est pourquoi nous sommes ici. Mais nous ne pouvons pas arrêter les bombes", reconnaît un soldat volontaire qui souhaite garder l'anonymat de peur de représailles.
Celui du 3 septembre ressemble à beaucoup d'autres perpétrés par l'insurrection: pendant la nuit, les rebelles ont enterré des charges et des bonbonnes de gaz sous les voies. Puis, au petit matin, ils ont déclenché la bombe au moment du passage du train.
'Détruire les symboles de l'Etat'
"Avec les attaques contre des trains, ce sont les gens ordinaires qui souffrent", estime le colonel Pramote Prom-In, porte-parole de l'armée thaïlandaise dans le sud.
Le nombre exact d'attentats commis contre la ligne de chemin de fer depuis le début de l'insurrection en 2004 est classifié mais d'après les médias, des dizaines d'incidents ont eu lieu.
"Les militants tentent de détruire les symboles de l'Etat, de l'économie et de la crédibilité du gouvernement", dit Pramote Prom-In.
Jusqu'à récemment, les insurgés restaient cantonnés dans les limites de l'extrême-sud. La grande majorité des Thaïlandais n'était donc pas concernée par le conflit.
Mais en août dernier, la violence a soudain débordée de son cadre habituel. Quatre Thaïlandais ont été tués par une série de petites explosions coordonnées dans des villes touristiques comme Phuket et Hua Hin.
Les autorités thaïlandaises n'ont pas voulu désigner les rebelles du sud comme responsables mais le mode opératoire semble très proche de leurs habitudes et les suspects recherchés par la police ont des liens avec l'insurrection.
Des négociations dans l'impasse
Dans la région, les civils se retrouvent pris en étau entre les forces de sécurité et les rebelles qui vivent parmi eux - et peuvent être impitoyables avec ceux qu'ils considèrent comme des collaborateurs de l'Etat thaïlandais.
Mais le soutien populaire au mouvement reste fort.
La population musulmane d'ethnie malaise "peut ne pas être d'accord avec la brutalité des insurgés... mais elle partage le même sentiment et la méfiance historique pour l'Etat thaïlandais", analyse Don Pathan, analyste indépendant basé en Thaïlande.
Les réunions de pourparlers laissent peu d'espoir.
Le pouvoir thaïlandais est convaincu que son partenaire de négociation, le groupe "Mara Patani", n'a pas vraiment le contrôle de la rebellion.
Et en face, les insurgés armés, dominés par un groupe appelé Barisan Revolusi Nacional (BRN), n'ont aucun espoir de voir la junte lâcher du lest, le gouvernement de Bangkok n'étant prêt à aucune concession en matière d'autonomie. Les rebelles ne voient donc pas l'intérêt de déposer les armes.
La situation actuelle est dans l'impasse, estime l'analyste: "Je ne vois aucune possibilité de mettre un terme à la violence, sauf à voir l'un des deux partis se décider à faire un énorme pas vers l'autre", dit Don Pathan.
A LIRE AUSSI.
Roi de Thaïlande: enquête après un article de la BBC
Thaïlande: observer les baleines au large de Bangkok
Musique: le métal, un exutoire dans une Birmanie conservatrice
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.