Dans la salle attenante à son presbytère, les soutanes accrochées au porte-manteau voisinent avec les matelas et les sacs à dos de 14 demandeurs d'asile --Kurdes irakiens, Afghans, Camerounais, Nigérians, Cubains et Congolais, chrétiens et musulmans-- réfugiés là.
Le cri d'alarme est arrivé début décembre sous la forme d'un courriel adressé par l'un d'entre eux à ce prêtre catholique au visage plein et aux fines lunettes. Et le père Nemeth, 61 ans, assure n'avoir pas hésité à répondre à l'appel.
"Je ne suis pas un héros, c'était mon devoir de chrétien de les aider", explique le prêtre, curé de la paroisse de Kormend, une ville de 12.500 habitants adossée à la frontière autrichienne où un camp de réfugiés a été ouvert l'été dernier.
Mais les installations, de simples tentes militaires chauffées à l'aide d'un poêle à bois, n'y sont pas adaptées à la neige et aux températures glaciales de l'hiver hongrois, témoigne un des hôtes du père Nemeth.
"Il fallait que quelqu'un reste éveillé toute la nuit pour remettre du bois sur le feu si on ne voulait pas avoir trop froid", explique à l'AFP ce Camerounais chrétien d'une trentaine d'années souhaitant garder l'anonymat, et que le curé a "embauché" comme servant de messe.
Les conditions précaires du camp de Kormend, qui n'est pas ouvert à la presse, ont été dénoncées comme "inhumaines" par l'ONG Migszol, qui a reproché aux autorités hongroises de chercher "volontairement à faire geler les gens dans des camps de tentes".
- 'Anti-Hongrois' et 'non-chrétien' -
Bien que le pape François et plusieurs Eglises européennes se soient mobilisés pour l'accueil de migrants, l'action du père Nemeth reste isolée en Hongrie, où le Premier ministre Viktor Orban a multiplié les initiatives visant à décourager l'arrivée en masse de réfugiés, qu'il a qualifiée de "poison" pour la "civilisation occidentale".
Au plus fort de la vague qui a vu plusieurs centaines de milliers de migrants transiter par le pays l'an passé, le cardinal hongrois Peter Erdö avait donné le ton en prévenant qu'au regard du droit national, toute aide à un migrant relèverait du "trafic d'êtres humains".
Cet automne, le père Imre Kozma, devenu une célébrité mondiale en 1989 en recueillant des milliers de réfugiés d'Allemagne de l'Est peu avant la chute du Mur, a de son côté appelé à soutenir un référendum national anti-migrants organisé par M. Orban.
"Je me sens un peu seul", reconnaît Zoltan Nemeth. Seuls deux de ses collègues prêtres lui ont jusqu'à présent exprimé leur soutien, souligne-t-il.
Les campagnes xénophobes menées depuis deux ans par le gouvernement ont également eu un effet sur certains de ses propres paroissiens, dont quelques uns ont accusé ce prêtre d'être "anti-Hongrois" et "non-chrétien", rapporte l'intéressé.
"L'un d'eux m'a arrêté dans la rue pour m'assurer que les migrants me tueraient comme ils l'ont fait avec ce prêtre en France", souligne le curé, dans une allusion à l'assassinat du père Hamel par un jihadiste en Normandie en juillet.
Mais des Hongrois de tout le pays, "aussi bien pratiquants qu'athées", lui ont aussi adressé des messages de soutien, sourit-il.
"Comment peut-on être pris au sérieux en tant que chrétien si on parle des Evangiles sans les vivre?", s'interroge le prêtre, citant volontiers en modèle le pape François et ses actions en faveur des gens dans le besoin.
Pour sa part, c'est au cours d'un séjour missionnaire de trois ans en Afrique du Sud que le prêtre hongrois a "appris à ignorer religions, races et classes sociales et à ne voir que les personnes", assure-t-il.
Pour ses pensionnaires, tous en attente d'une décision d'appel concernant leur demande d'asile, l'avenir s'annonce incertain: la Hongrie n'a accordé cette année un statut de réfugiés qu'à moins de 400 personnes sur près de 30.000 demandes. Et la plupart des pays européens, dont l'Autriche voisine, refoulent désormais les migrants venus de Hongrie.
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