Un avocat pour chaque conjoint, une convention discutée entre les deux parties, contresignée par les deux conseils puis enregistrée chez un notaire après un délai de rétractation de 15 jours: le nouveau divorce amiable se passera désormais de la décision d'un juge aux affaires familiales.
Emblématique de la loi "Justice du XXIe siècle" adoptée en octobre, cette mesure doit permettre de "déjudiciariser" le divorce, d'en réduire les délais et de désengorger les tribunaux, qui ne garderont que les cas conflictuels.
Selon l'Insee, 123.500 divorces ont été prononcés en 2014 (-1,1% par rapport à 2013), soit 338 par jour. Plus d'un sur deux (54%) était un divorce par consentement mutuel.
"Le consentement mutuel, c'est quand on est d'accord sur tout", explique à l'AFP Elodie Mulon, avocate en droit de la famille. Or, "dans ce cas, le juge ne tranchait pas. Il homologuait juste une convention de divorce en s'assurant que les intérêts des enfants et des époux étaient préservés".
La dernière réforme, en 2004, avait déjà simplifié ce divorce en réduisant de deux à une le nombre d'audience au tribunal, mais "là c'est une révolution", estime Me Mulon, "pas tout à fait certaine que le législateur en ait pris la mesure".
Désormais considéré comme un contrat, qui devra être enregistré chez un notaire moyennant 50 euros (à la charge des parties), le divorce pourra "faire l'objet d'actions en nullité et être annulé" en justice, insiste-t-elle.
Garde des enfants, séparation des biens, lieux de résidence, pension alimentaire... Les avocats devront "veiller à établir une convention équilibrée pour éviter toute action après", admet Béatrice Weiss-Gout, du cabinet BWG associés.
"On a une plus grande responsabilité mais c'est nous témoigner plus de confiance", estime l'avocate.
'Garde-fou'
Favorable à cette mesure, qui "recentre le juge sur ses missions essentielles", l'Union syndicale des magistrats, majoritaire, appelle toutefois à "être vigilant" quant à "l'intérêt des enfants" et à "l'effet retour". "Si le prononcé du divorce sort du judiciaire, ce n'est pas pour qu'on se retrouve saisi quelque temps plus tard pour des contentieux", prévient Pascale Loué-Williaume, trésorière de l'USM.
L'absence de jugement final a immédiatement suscité l'inquiétude d'associations, qui craignent des déséquilibres familiaux. Dans un appel lancé sur internet, une vingtaine d'associations féministes jugent notamment cette réforme "très dangereuse pour les droits des femmes" .
"Lorsqu'il y a violences dans le couple, les femmes qui en sont victimes souhaitent que la séparation se fasse le plus vite possible et elles sont souvent prêtes à brader leurs droits", estiment ces associations, dont Osez le féminisme, Solidarité femmes ou Le planning familial.
"Le juge est un garde-fou, un protecteur, et il est indépendant", abonde l'Union nationale des associations familiales.
Comme garanties, le législateur donne la possibilité aux enfants mineurs d'être entendus par un juge, impose une période de réflexion de 15 jours et oblige chaque époux à avoir son avocat, quand un seul par couple était jusqu'à présent permis.
Les associations s'inquiètent d'ailleurs d'un risque de hausse du coût du divorce. Les conjoints qui se séparent "vivent un drame, ce ne sont pas des vaches à lait", s'exaspère le président de l'association Divorcé(e)s de France, Michel Milan, craignant que les avocats fassent "tourner la machine à honoraires" au moment de négocier la convention.
Cette réforme "ne va pas au bout de sa logique de pacification des relations", opine de son côté l'association SOS papas, qui rappelle que "la principale cause de conflit, c'est la garde des enfants. Pour alléger le divorce, il faut que la résidence alternée devienne la règle, sauf accord différent des deux parents", plaide auprès de l'AFP son président Jean Latizeau.
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