"On fait partie des encombrants !", ironise l'une des convives, penchée sur sa canne, en entrant dans le pavillon des fêtes de Levallois-Perret, une grande salle tout en verre nichée au milieu d'un square. Les tables sont nappées, fleuries, les menus joliment imprimés, et des dizaines de bénévoles s'affairent pour que cette fête, comme un point d'orgue de leur action, soit réussie.
Comme l'année dernière, l'association Petits frères des Pauvres a réuni des personnes âgées de plusieurs villes des Hauts-de-Seine: Levallois, Colombes, Clamart, Clichy... Des communes plutôt aisées. "Ici notre plus gros souci, c'est la pauvreté du lien social, même s'il y a aussi cette problématique typiquement urbaine qui est la paupérisation des retraités à domicile", explique Olivier Février, vice-président banlieue et Ile-de-France pour l'association fondée en 1946.
La priorité, c'est donc de briser la solitude: célibataires, veuves ou veufs "dont certains ne voient que leurs aides à domicile, leur médecin, ou les commerçants pour ceux qui peuvent encore sortir", poursuit-il.
Afin de reconstruire un "tissu familial", les bénévoles viennent leur rendre visite chez eux plusieurs fois par semaine, organisent des goûters quotidiens dans les locaux de l'association, des anniversaires, des sorties à la mer.... et chaque année, ce déjeuner de Noël.
"Le repas de Noël, c'est la base, affirme Olivier Février. C'était d'ailleurs la première action d'Armand Marquiset", le fondateur des Petits frères des Pauvres, association laïque qui aide plus de 35.000 personnes âgées isolées ou en précarité à travers le pays.
'Des fleurs avant le pain'
Tous les ans, 16.000 personnes bénéficient de réveillons et repas organisés pour les fêtes de fin d'année par l'association, dont la devise est: "des fleurs avant le pain".
Isbergue, 83 ans, n'a même pas regardé le menu en s'asseyant. "Je viens pas pour manger, ni pour boire, mais pour être ensemble ! " dit-elle. Veuve et divorcée depuis des années, elle se retrouve seule à Noël: "sur mes huit enfants, il n'y en a plus qu'un seul qui me parle, et cette semaine il est parti à l'île Maurice", raconte-t-elle, amère, en évoquant des querelles d'héritage.
"Je m'étais bien marré l'année dernière alors je suis revenu", se réjouit Jean-Etienne, son voisin de table, un ancien artiste qui a signé l'affiche culte des "Tontons flingueurs" il y 50 ans. "Et pourtant en vieillissant, je deviens agoraphobe, mes problèmes de santé (arthrose, ostéoporose) m'isolent", témoigne cet homme grand et très élégant.
Gisèle, 86 ans, est sortie de sa maison de retraite pour fêter Noël ici. "C'est plus gai. J'ai du mal à m'adapter à la maison de retraite, on n'y voit que des vieilles mémés, ça déprime !", rigole-t-elle. Son cas n'est pas si singulier: "nous suivons plusieurs personnes dans les maisons de retraite car les personnes peuvent s'isoler elles-mêmes", fait valoir Olivier Février.
Sur un fond musical "live" assuré par deux musiciens bénévoles, la salle s'anime. Les bénévoles aident parfois à la conversation pour les plus isolés ou les plus physiquement dépendants.
Marie-Hélène, 45 ans, est l'une des 11.000 bénévoles de l'association. Salariée d'une agence de voyage, elle rend visite chaque semaine à une personne âgée. " Ca me fait sortir d'un monde très matériel, du stress: je réalise à quel point des personnes sont mises de côté... ça recentre sur l'essentiel. Et quand une +P.A.+ (personne accompagnée, c'est notre petit jargon), nous ouvre grand les bras en nous voyant arriver, c'est notre récompense".
A LIRE AUSSI.
En France, le discours anti-pauvres se banalise
Pauvreté: le Secours catholique interpelle les candidats à la primaire de droite
Haro sur le gâchis alimentaire! une enseigne danoise se spécialise dans les invendus
En Russie, des mannequins âgés défient les stéréotypes de la retraite
A Lille, un café à chiens pour rapprocher humains et animaux
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.