Le ministère de l'Intérieur a promis vendredi, par la voix de son porte-parole Tobias Plate, que "tout sera passé au peigne fin" le moment venu pour tirer les enseignements de l'attentat (12 morts) en matière de prévention.
Il n'a pas voulu donner à ce stade de détails, évoquant de premières propositions en début d'année prochaine, mais les chantiers sont nombreux car le Tunisien Anis Amri, un demandeur d'asile débouté de 24 ans, était connu de la police pour sa radicalisation islamiste et sa dangerosité.
"Les informations que nous avons sur la manière dont les autorités ont travaillé sont choquantes", a dénoncé cette semaine un des responsables du parti conservateur de la chancelière, Armin Laschet, "ce n'est pas comme ça que nous allons garantir la sécurité de l'Allemagne".
'Echec de l'Etat'
Le président du parti libéral d'opposition, Christian Lindner, parle lui d'un "échec de l'Etat allemand dans son ensemble qui ne peut être toléré".
Ce sont les ratés du renseignement intérieur allemand, éclaté dans un pays fier de son fédéralisme entre de multiples instances régionales, qui suscitent tout particulièrement la controverse.
Entre son arrivée en Allemagne en juillet 2015 et l'attentat lundi, Anis Amri a joué au chat et à la souris avec les différentes administrations régionales allemandes en circulant d'une région à l'autre et en se faisant enregistrer sous différentes identités.
La police de Rhénanie du Nord-Westphalie, dans l'ouest du pays, où il a séjourné un temps, le considérait comme très dangereux et prêt à préparer un attentat. Des écoutes ont pu établir qu'il était en contact avec les milieux salafistes de cette région, particulièrement actifs.
Le renseignement intérieur savait que le Tunisien avait aussi proposé ses services pour un attentat suicide ou qu'il s'était renseigné sur la fabrication d'explosifs, selon les médias.
Mais au final les autorités ont estimé ne pas avoir suffisamment d'éléments probants. Le dossier a été finalement transféré à une autre juridiction, à Berlin, où l'homme s'était entretemps installé. Elle a clos le dossier en septembre après plus de 6 mois de surveillance infructueuse.
L'arrêt de la surveillance à Berlin constitue "une erreur capitale", a tempêté vendredi l'expert de la famille politique d'Angela Merkel pour les questions de sécurité intérieure, Stephan Mayer. "Il aurait fallu bien sûr maintenir la surveillance d'Anis Amri compte tenu de sa dangerosité", a-t-il dit.
Aujourd'hui, les autorités de Berlin et de Rhénanie se renvoient la responsabilité du fiasco, qui illustre les limites du modèle fédéral allemand.
'Cauchemar' pour Merkel
L'affaire met aussi en lumière les problèmes liés à la procédure d'asile. L'auteur présumé de l'attentat était en effet débouté de sa demande depuis juin par les autorités de Rhénanie, ces questions relevant des régions dans le pays.
Mais il a pu rester car il n'avait pas de document d'identité en règle, la Tunisie niant plusieurs mois durant qu'il soit l'un de ses ressortissants. Tunis n'a reconnu sa nationalité que mercredi, deux jours après l'attentat du marché de Noël.
Dès lors, des responsables politiques en Allemagne réclament le renvoi plus rapide des personnes déboutées. Angela Merkel a prévu dès vendredi de téléphoner à son homologue tunisien "et il va être aussi question des rapatriements", a dit la porte-parole de la chancelière, Ulrike Demmer.
La controverse née de l'attaque au camion-bélier vient fragiliser un peu plus la chancelière à neuf mois des élections législatives où elle briguera un nouveau mandat, alors qu'elle doit déjà faire face aux critiques pour avoir ouvert les portes du pays à près d'un million de réfugié en 2015 et à 300.000 autres en 2016.
"L'attentat est aussi un cauchemar pour Angela Merkel" qui voit ses chances de réélection "diminuer", jugeait cette semaine le magazine Der Spiegel.
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