"Ce sont les 70 ans du Petit Prince, le livre le plus vendu dans le monde après la Bible. Avec mes plats, vous verrez: ce sera +dessine-moi un végétal+", explique le chef du restaurant La Coopérative à Bélesta (Pyrénées-Orientales).
"Moi, j'ai toujours été un passionné de Saint-Ex. Aujourd'hui, je le lis à mon fils (7 ans). Plus tard, ce sera à ma fille (9 mois)", ajoute le représentant de la France à ce concours et l'un des 24 jeunes chefs mondiaux qualifiés.
Compétition bisannuelle, le Bocuse d'or constitue les "Jeux olympiques de la gastronomie", dixit Franck Putelat, double étoilé à Carcassonne et coach de Lemal pour ce concours très relevé.
Lors de cette épreuve, les 24 et 25 janvier, les concurrents ont six heures pour "envoyer" deux plats aux quatorze membres du jury. Lesquels ? Secret défense. "L'espionnage industriel existe. On se méfie", explique François Adamski, Bocuse d'Or 2001 et président de la "Team France" montée autour de Lemal.
Rien ne sera divulgué sur les préparations françaises. L'équipe tricolore se contente de rappeler les exigences de l'organisation: une assiette végan avec des produits à choisir parmi les 146 d'un catalogue et une interprétation du poulet de Bresse aux crustacés.
Ce plat de volaille, "c'était l'une des spécialités de Paul Bocuse", l'initiateur du rendez-vous gastronomique créé en 1987, souligne Lemal, disciple d'Alain Ducasse, admettant qu'il restera "proche de la recette originale", à savoir avec "des écrevisses". Quant aux végétaux, il en prendra "une dizaine".
"On peut promouvoir deux produits supplémentaires de son pays. Les miens seront catalans", précise ce ch'ti, né près de Douai.
"La victoire sera compliquée" car la France, victorieuse de 7 des 15 précédentes éditions, est toujours "l'équipe à abattre", prédit Lemal, espérant avec son thème "toucher le petit coeur des grands +cuisiniers-jurés+".
Depuis sa qualification grâce à son succès au Bocuse d'Or France en 2015, suivi en mai dernier à Budapest de sa 4e place (sur 22) au Bocuse d'Or Europe, prix spécial viande, Lemal travaille comme un fou.
Ingrédients, recettes, présentation, forme des plats que confectionnera un artisan d'art...: il ne laisse rien au hasard avec ses collègues de la "Team France", des grandes toques, certains ex-vainqueurs et multi-étoilés.
"Novateur et créatif"
"Il faut être novateur et créatif", assure Lemal, étoilé depuis 2014 à la réputation d'anticonformiste, notamment pour son chocolat au foin ou ses asperges au sirop de sureau.
Pour conquérir son Graal, Lemal a aussi voulu bouleverser ses habitudes: il a écarté son commis féminin, remplacée par Sébastien Vakanas, un jeune homme embauché au restaurant seulement en avril. "J'avais besoin d'un turbo", commente-t-il.
Pour l'entraînement, le chef s'est créé un endroit spécifique. Juste à côté de la cuisine de l'établissement situé dans les anciennes presses du domaine viticole de Riberach, avec une vue splendide sur les Pyrénées, il a installé un box similaire à celui dont il bénéficiera pendant la compétition (A Lyon, ce sera le 7).
C'est là, à partir du 3 janvier et à huis clos, qu'il va cuisiner dans les conditions de compétition. Avec chronomètre. Préparation des deux plats un jour, débriefing le lendemain. Objectif: atteindre la perfection. Des premiers essais ont déjà montré la nécessité d'accélérer le dressage des assiettes. "25 minutes: trop long!", a tranché Putelat.
"Laurent, c'est un créatif. Surtout, il a une gestion extraordinaire du stress. Il est tranquille, ne s'énerve jamais. Pour nous, c'est même agaçant", juge le Carcassonnais.
Laurent Lemal, qui assure "construire sa carrière à l'instinct" se sent prêt à "relever le défi". Surtout, il voit une complémentarité entre cette compétition et le gain de nouvelles étoiles qu'il appelle de ses voeux.
"Plus on atteint l'excellence en concours, plus on atteint l'excellence au restaurant", affirme-t-il.
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