Dans les années 1970, des colons venus du Brésil voisin se sont établis dans cette région à la nature généreuse, où les terres fertiles sont irriguées par de nombreuses rivières, non loin des célèbres chutes d'Iguazu.
Les Guayakis, tribu de chasseurs-cueilleurs, est une des dernières du Paraguay à avoir abandonné son habitat traditionnel, la forêt tropicale de l'est du pays sud-américain. A cause de la déforestation, les animaux dont ils se nourrissaient ont cessé d'abonder, les contraignant à l'exil.
"Nous avons seulement 270 hectares pour cultiver soja, blé, maïs", s'insurge Lorenzo Puapirangy, chef guayaki à Puerto Barra, village où vivent une cinquantaine de familles dans des maisons en bois. Une famille de Brasiguayos --les propriétaires terriens brésiliens du Paraguay-- dispose en moyenne de 5.000 hectares.
"Le Paraguay a une grande dette envers les peuples indiens. Nous voulons récupérer nos terres", dit Marciano Chevogy, 37 ans, qui termine une formation d'instituteur.
La demande est aussi paradoxale que raisonnable. Les Achés sont les plus anciens occupants de cette région, où la terre ocre contraste avec les plaines verdoyantes plantées de soja. Ils se contenteraient de quelques milliers d'hectares.
Outre la culture du soja et des céréales, ils élèvent des vaches, des porcs, font de la pisciculture et de l'apiculture.
Survie d'un peuple
"Nous demandons qu'on respecte notre territoire. Nous sommes des travailleurs humbles et pacifiques", dit José Anegy, un autre cadre de Puerto Barra. Il porte les revendications du peuple Aché.
La moitié de la population de la zone sont des Brasiguayos. On entend parler portugais à la radio, dans les commerces de Santa Rita, bourg de 40.000 habitants, où les concessionnaires de tracteurs et machines agricoles bordent la route principale sur des kilomètres.
"Dans la forêt, nous étions libres, on vivait bien, la vie était plus facile, on n'avait pas besoin d'acheter. La fin de la forêt a sonné la fin de notre culture. De chasseurs nous avons dû nous convertir en agriculteurs", raconte José Anegy, dont les traits sont typiques des indiens d'Amazonie mais qui est vêtu à l'européenne.
Alors que les autres tribus vivent marginalisées, généralement dans la pauvreté, les Achés font l'admiration des autres indiens du Paraguay.
Lors d'un passage à Puerto Barra, le vice-président Juan Afara leur a rendu hommage. "Vous êtes un exemple", leur a-t-il lancé. Attentifs, le visage impassible, les Achés lui ont rétorqué: "Nous avons besoin de terres".
Faute de quoi, menace José Anegy, "nous saisirons les instances internationales".
"Ce qui se joue ici, c'est la survie d'un peuple, avec sa dignité, qu'ils soient les propres architectes de leur destin", témoigne Bjarne Fostervold, pasteur américain qui a épousé une indienne aché, sa culture et sa cause.
"Ils ont perdu leur habitat, une forêt impénétrable. Ce qui les sauve, c'est leur esprit de solidarité. Ils veulent à la fois s'intégrer dans le monde tel qu'il est et conserver leurs traditions", résume-t-il.
Nostalgie de la forêt
"L'Etat a toujours été absent, ce serait méritoire qu'il agisse. Pour beaucoup, cette communauté est une inspiration. C'est une expérience unique", souligne Bjarne. "Quand ils sont sortis de la forêt, ils ont découvert qu'ils étaient au Paraguay".
Le doyen du village, Lorenzo Krachogy, âgé de près de 90 ans, se souvient de la vie des siens avant la déforestation: "Il y avait beaucoup d'animaux, de fruits dans la forêt, on vivait sans vêtements, avec nos arcs, nos flèches et nos haches. Nous n'avions pas d'ennemis", dit-il, traduit par son fils, car il ne parle que le dialecte Aché.
"J'avais 9 ans quand mon père a été tué par les Blancs. Ils avaient des chiens et des fusils. Ils m'ont capturé et vendu", témoigne le vieil homme souriant, sans rancoeur.
Son fils, Lorenzo Puapirangy, 38 ans, termine ses études d'avocat. Il sera le premier avocat du peuple Aché. Le juriste plaisante: "les anciens du village, pour nous, c'est comme la Cour Suprême".
"On pêchait, on était heureux", se souvient Victoria Pikigy, une octogénaire assise sur une natte tissée de feuilles de palmiers. "Quand je retourne dans la forêt, je pleure. Car ces temps sont révolus".
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