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La reprise d'Alep, victoire de la "force brute" et symbole du désengagement occidental

"Pax Russa" en Syrie. La reprise d'Alep, obtenue au rouleau compresseur, marque la victoire de la "force brute" et l'émergence d'alliances entre régimes autoritaires, face à un Occident ayant choisi de rester en retrait et d'oublier les rêves démocratiques qui avaient déclenché le conflit en 2011.

La reprise d'Alep, victoire de la "force brute" et symbole du désengagement occidental
Des Syriens célèbrent à Alep la reprise de la ville par l'armée régulière le 22 décembre 2016 - George OURFALIAN [AFP]

Des combattants "liquidés", des zones "nettoyées": les mots de Damas et de son allié russe résument la stratégie employée pour reconquérir l'ancienne capitale économique de la Syrie, tombée au prix de milliers de victimes, de déplacements massifs de populations et de destructions sans précédent.

La reprise d'Alep, si elle ne marque pas la fin de la guerre, constitue cependant un tournant majeur après presque six ans de conflit: elle devrait garantir, du moins à moyen terme, le maintien du président syrien Bachar al-Assad. Et elle consacre une nouvelle alliance de vainqueurs, la Russie, l'Iran et la Turquie, face aux Occidentaux et monarchies du Golfe relégués au rang de spectateurs.

"Le premier enseignement à tirer, c'est que la force paye, et l'abstention a un coût", analyse Bruno Tertrais, de la Fondation pour la Recherche Stratégique.

La force: "l'implication massive de la Russie et de l'Iran, qui a changé le cours de la guerre". L'abstention: "la non-intervention américaine en 2013", rappelle-t-il.

Cette année-là, lorsque le président américain Barack Obama a renoncé à frapper le régime syrien, accusé d'avoir perpétré une attaque meurtrière à l'arme chimique en banlieue de Damas, "la messe était dite", juge une source diplomatique française.

C'est également en 2013 que les combattants du mouvement chiite libanais Hezbollah, soutenu par Téhéran, interviennent aux côtés des forces de Damas. L'implication militaire de l'Iran et de ses affidés ira croissant les années suivantes.

A cette époque, les Occidentaux, Etats-Unis en tête, les monarchies du Golfe et la Turquie réclament encore le départ du président syrien Assad et soutiennent plus ou moins militairement l'insurrection syrienne.

Mais deux ans plus tard, nouveau bouleversement: devant un régime en mauvaise posture, Moscou intervient massivement en Syrie pour sauver son allié et écraser l'opposition qualifiée de "terroriste", quelle qu'elle soit.

"Avec l'intervention russe, c'est vraiment terminé, on sait qu'on ne peut plus rien faire", dit amèrement la source diplomatique française.

'la barbarie en cravate'

"Il n'y a pas d'impuissance occidentale, il y a un manque de volonté. C'est un choix", soutient M. Tertrais, estimant que l'échec de la révolution syrienne n'était pas "inévitable".

Au coeur du conflit, la révolte populaire déclenchée en mars 2011 avait pour premier mot d'ordre: "une Syrie sans tyrannie". Mais elle a été balayée en quelques mois par la répression féroce du régime, la militarisation du conflit, l'intervention des puissances étrangères.

Et les aspirations démocratiques des Syriens sont vite devenues secondaires pour des Occidentaux effrayés par la radicalisation de la rébellion et l'émergence du groupe jihadiste Etat islamique, devenu l'incarnation du mal absolu.

"La Syrie a été réduite à la confrontation entre deux barbaries. Et entre les deux on préfère la barbarie cravatée, qui parle anglais, et dont la femme ne porte pas le voile", soit Bachar al-Assad, déclarait récemment à l'AFP l'éditeur franco-syrien Farouk Mardam-Bey.

Une grille de lecture qui ne semble pas devoir changer avec le prochain président américain Donald Trump. Les propos qu'il a tenus jusqu'à présent "suggèrent qu'il pourrait considérer le soutien à la démocratie comme un luxe que les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre face aux groupes terroristes comme Al-Qaïda ou l'EI", écrit le chercheur Elliott Abrams dans une récente note du Council on Foreign relations.

'Victoire à la Pyrrhus'

Pour le moment, Moscou, Téhéran, Damas, et Ankara, récemment réconcilié avec la Russie, apparaissent donc comme les vainqueurs, en mesure de dicter leur vision des choses et d'imposer "des négociations entre copains", selon un diplomate européen, pour une solution politique à leur convenance.

Mais les agendas des vainqueurs ne coïncident pas forcément, soulignent plusieurs experts.

Entre un Assad qui prétend reconquérir tout le pays, une Russie qui se satisferait de la "Syrie utile", une Turquie avant tout préoccupée par la sauvegarde de sa frontière sud et un Iran soucieux de renforcer sa position sur la scène régionale, les intérêts pourraient entrer en collision assez rapidement.

"C'est une victoire de la force brute, mais c'est une victoire à la Pyrrhus", estime le chercheur Karim Bitar de l'Institut de relations internationales et stratégiques.

"D'une part, elle accentue les frustrations et les humiliations subies par les Syriens. D'autre part, les Russes commencent déjà à sentir le retour de bâton", ajoute M. Bitar, évoquant l'ambassadeur russe assassiné en Turquie par un policier turc pour "venger Alep".

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