Bana al-Abed fait partie des milliers de personnes évacuées d'Alep-Est ces derniers jours dans le cadre d'un accord parrainé par la Turquie et la Russie.
Sorties de la deuxième ville syrienne lundi, elle et sa famille ont été accueillies mercredi à Ankara par le président turc Recep Tayyip Erdogan en personne et son épouse.
"Nous voulons que le monde entende la voix des enfants d'Alep", explique à l'AFP la fillette, rencontrée dans la capitale turque. "Nous parlons des bombardements et nous tweetons pour que les gens voient la guerre", poursuit-elle, en arabe.
Bana et sa famille vivaient à Alep-Est, contrôlée par les rebelles qui combattent le président Bachar Al-Assad depuis 2011. La famille a été évacuée alors que la ville était en passe d'être entièrement reprise par le régime de Damas et ses alliés.
"J'ai peur de la guerre, parce qu'il (le président syrien, ndlr) veut nous tuer. J'ai trop peur. J'ai peur pour mes frères, j'ai peur pour mes parents", confie-t-elle.
"Un enfer"
Pour ses plus de 364.000 abonnés sur Twitter, Bana est devenue un symbole de la tragédie syrienne. Sa mère et elle envoyaient des tweets racontant la destruction de leur ville et leur lutte pour survivre au quotidien.
Le régime de Damas les a accusées de faire de la propagande, certains allant même jusqu'à soutenir que ce compte était un faux.
Mais pour la mère de Bana, Fatemah, qui gère le compte @AlabedBana, ces allégations sont uniquement motivées par de la jalousie.
"Je pense que ceux qui disent cela sont jaloux. Ils savent que nous sommes réels, et ils veulent juste nous faire nous sentir mal", explique-t-elle en anglais à l'AFP.
"Notre vie à Alep c'était comme un enfer", poursuit Fatemah. "Nous ne pouvions rien faire. Nos enfants ne pouvaient pas aller à l'école, nous ne pouvions même pas dormir, il y avait tout le temps et partout des bombes", souligne-t-elle.
"Vous ne pouvez pas imaginer ce qu'était la vie là-bas", poursuit la femme. "Nous étions assiégés. Nous n'avions pas assez à manger, nous ne pouvions pas trouver d'eau potable, nous ne pouvions pas aller dans les hôpitaux parce qu'ils étaient des cibles".
"C'était difficile, j'avais peur. Il y avait toujours des bombardements. Même la nuit", complète Bana, basculant comme sa mère en anglais.
La Turquie, qui soutient les rebelles opposés à Damas, accueille quelque 2,7 millions de réfugiés syriens, mais a fait savoir qu'elle préférait désormais assister les déplacés de l'autre côté de la frontière.
La plupart des évacués d'Alep devraient être accueillis dans des camps mis en place grâce à l'aide turque dans la province d'Idleb (nord-ouest de la Syrie).
En revanche, les blessés graves sont pris en charge en Turquie.
"Souffrances"
Fatemah explique à l'AFP que l'idée du compte lui est venue lorsque Bana lui a demandé "Maman, pourquoi personne ne sait ce qu'il se passe à Alep, et pourquoi personne ne nous aide ?".
"Nous avons décidé de créer ce compte Twitter pour être sûrs que le monde entier écoute la voix des enfants et les aide et tourne son attention vers les souffrances d'Alep", poursuit-elle.
Bana et sa mère ont partagé sur le réseau social de nombreuses photos montrant la destruction de leur ville et les ruines de leur rue. Elles ont reçu en réponse de nombreux témoignages de soutien, ainsi que des messages inquiets lorsque leurs publications se faisaient plus rares.
Parmi leurs abonnés, figure l'auteure d'Harry Potter, la Britannique J.K. Rowling, qui a fait parvenir à la famille les versions électroniques des aventures du jeune sorcier.
"Je voudrais remercier tout ceux qui ont aidé à soutenir les enfants d'Alep", dit Bana.
Environ 15.000 enfants ont été tués dans le conflit syrien qui a fait plus de 310.000 morts en tout depuis 2011.
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