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Dénoncer les infractions routières des salariés ne réjouit pas les PME

L'obligation pour un employeur de dénoncer ses salariés coupables d'infractions routières, à partir du 1er janvier 2017, n'est pas bien reçue par les patrons des petites et moyennes entreprises qui craignent des "tensions" avec leurs employés.

Dénoncer les infractions routières des salariés ne réjouit pas les PME
Un radar fixe, dégradé à la peinture, le 3 octobre 2016 à Strazeele (Nord) - PHILIPPE HUGUEN [AFP/Archives]

Aujourd'hui, lorsqu'un salarié se rend coupable d'une infraction au code de la route à bord d'un véhicule de fonction, il ne perd pas de point sur son permis de conduire, sauf si son entreprise le dénonce.

En revanche, dans la grande majorité des cas, il paie quand même son amende, la société n'ayant pas le droit de la prendre à sa charge : ce serait "un abus de biens sociaux", explique Déborah David, avocate.

Selon elle, la nouvelle loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, votée le 16 octobre, obligeant l'employeur à dénoncer ses salariés "va beaucoup trop loin" car elle fait peser sur les patrons une "charge morale" et une "charge financière".

"C'est l'institution d'une délation organisée, cela ne va pas faciliter les relations au sein des entreprises", poursuit Me David.

Dominique Berthauld possède deux PME dans le transport. Avec un peu plus de 70 chauffeurs, il reçoit deux à trois amendes par semaine. Jusqu'à maintenant, il refusait de dénoncer ses salariés pour les "petites infractions", comme "51 ou 52 km/h, au lieu de 50".

"La seule fois où j'ai dénoncé, c'était pour un chauffeur qui s'était fait prendre à 104 km/h au lieu de 90. Il roulait comme un cinglé", dit-il.

Ce petit patron a commencé à avertir ses salariés qu'il devra prochainement les dénoncer. "Du stress" en plus pour lui: si un salarié perd son permis, "ce sera de ma faute". "Cela va créer des tensions, c'est sûr, mais je n'ai pas le choix", déplore-t-il.

Si l'employeur ne dénonce pas le salarié dans un délai de 45 jours, il devra s'acquitter d'une amende de 750 euros.

Inciter à plus de prudence

La nouvelle obligation pourrait occasionner quelques frais. Selon Dominique Berthauld, la procédure de dénonciation et l'envoi en courrier recommandé, à raison de deux à trois infractions par semaine, nécessitera "une à deux heures de travail administratif par mois" et coûtera 40 euros en recommandé.

A ces coûts, s'ajoutera celui de potentiels licenciements. M. Berthauld anticipe déjà la perte de certains de ses chauffeurs et s'inquiète de leur remplacement car "il faut deux ou trois mois pour qu'un salarié soit totalement autonome".

Selon Patrice Clos, secrétaire fédéral FO Transport, les PME seront les premières concernées. "Dans les grandes entreprises, beaucoup dénonçaient déjà", affirme-t-il.

L'entreprise Canon, spécialisée dans les produits optiques, a confirmé à l'AFP qu'elle donnait déjà les noms de ses collaborateurs responsables d'infractions. Chez l'opérateur téléphonique Free-Iliad, les salariés n'étaient pas dénoncés jusqu'à présent. Pour la suite, l'entreprise se refuse à tout commentaire.

Pour d'autres grandes entreprises interrogées, cette évolution dans la législation ne semblait pas être une préoccupation.

"Pour avoir collaboré avec des entreprises disposant de grande flotte commerciale, je n'ai pas le souvenir que cela posait un problème particulier", a relaté Stéphanie Stein, avocate. Elle aussi anticipe des "risques de tensions" dans les PME mais pense que cela "peut aider les sociétés à inciter à être plus prudent" sur la route.

"Il y a des entreprises où on dit au gars +vas-y, roule le plus vite possible, s'il y a un PV, on ne te dénoncera pas+", reconnaît Laurent Galle, patron dans le transport et les travaux publics. Lui, préférerait un système "avec une obligation de dénoncer à partir de 4 km/h de trop" pour épargner les petites inattentions.

Pour les deux transporteurs interrogés, il faudrait distinguer le cas des salariés conducteurs professionnels du conducteur occasionnel, "un chauffeur poids-lourd qui fait 100.000 km par an et un particulier qui va en faire 10.000 dans sa vie de tous les jours, ce n'est pas comparable", estime M. Berthauld. p

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