"Aujourd'hui, beaucoup de +rouleurs+ ont entre 60 et 80 ans ! Les jeunes ne sont pas très motivés par l'élevage de volailles et encore moins par cette tradition de l'emmaillotage", confie à l'AFP Elizabeth Mariller, éleveuse à Foissiat (Ain) de chapons et poulardes de Bresse, rois et reines des réveillons de fin d'année.
Avec son mari, elle concourait aux "Glorieuses" de Bourg-en-Bresse, un rendez-vous incontournable depuis un siècle et demi. Deux autres concours "Glorieuses de Bresse" ont lieu dans l'Ain et un quatrième en Saône-et-Loire.
Il faut huit mois minimum pour produit un chapon de Bresse. "On démarre en février pour le vendre à Noël, c'est du boulot", relève Elizabeth Mariller.
"Ma fille +roule+ encore les poulardes. Pour les chapons (des coqs castrés, ndlr), on appelle les hommes. Cela demande beaucoup de force de les serrer dans la toile de lin carrée. Cuisses et ailes doivent se confondre avec la chair de l'animal. C'est tout un art, cette +haute-couture+", explique-t-elle.
"Le savoir-faire a tendance à se perdre", renchérit Gilbert Josserand. "Dans ma famille, il y a trois générations d'éleveurs de volailles. Avant Noël, nous sommes 22 rouleurs dans l'exploitation à Viriat (Ain). On est tous des retraités", raconte cet ancien conducteur de chantier.
"On le fait pour donner un coup de main à la famille. C'est ponctuel... et assez dur. Presque tous les éleveurs fonctionnent comme ça, avec l'aide des +vieux+".
"Les +Glorieuses+, c'est chaque année la vitrine de la Bresse pour des volailles d'exception, les seules à avoir une AOC", dit à l'AFP le chef étoilé Georges Blanc, lors du récent concours à Bourg-en-Bresse.
Georges Blanc est un expert. "Je suis président du Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse (CIVB) depuis 30 ans et 250 volailles de Bresse sont cuisinées chaque semaine dans mes restaurants", dont le plus prestigieux à Vonnas (Ain).
Avec un tel débit, "j'achète à un expéditeur pour être fourni toute l'année et la qualité est toujours au rendez-vous", assure-t-il.
"La Bresse compte quelque 300 éleveurs, beaucoup en 100% orientés volailles", selon le célèbre cuisinier.
Pas d'impact de la grippe aviaire
La Volaille de Bresse fêtera en 2017 le 60e anniversaire de son AOC, devenue AOP (appellation d'origine protégée) européenne.
"Une fois abattues, les volailles sont épilées à la main. Les serrer quelques jours en chambre froide dans un linge permet d'obtenir cette chair fondante et savoureuse. Et cela aide à la conservation", explique Jocelyne Blanc, éleveuse à Mézériat (Ain).
Le panache de plumes blanches rabattues sur la tête de la volaille, pour respecter la présentation traditionnelle, est soigneusement lavé au savon de Marseille.
Les volailles de Bresse passent quatre mois à gambader dans le bocage riche en vers de terre, mollusques, protéines végétales et animales qui constituent un tiers de leur alimentation. Le reste de leurs repas: lait, maïs et blé concassés.
Leur terroir s'étend entre Bourgogne, Rhône-Alpes et Franche-Comté. Des essaims de tâches blanches se détachent sur le vert des prés. Le soir, elles rejoignent le poulailler. Et passent leur dernier mois à l'atelier d'engraissement, dans des cages baptisées "épinettes".
Leur belle vie en plein air pourrait-elle être perturbée par l'épizootie qui menace la France? "Les volailles de Bresse ne sont pas pénalisées par la grippe aviaire", assure Georges Blanc, ce que confirme la préfecture en l'expliquant par une dérogation liée au cahier des charges de l'AOP.
De même, les éleveurs affirment "ne pas en entendre parler par leurs clients", toujours aussi nombreux à la veille de Noël.
Vingt-sept foyers d'influenza aviaire H5N8 sont aujourd'hui recensés en France, dans des élevages du Sud-Ouest.
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