Ils font partie des Midnight Runners, une équipe de joggeurs pas comme les autres, formée essentiellement d'ex-drogués et de SDF qui tentent de prendre un nouveau départ.
Ils traversent au pas de course les rues aux scènes éprouvantes de Skid Row, un quartier d'une cinquantaine de pâtés de maisons dans le coeur historique de la ville où vivent 6.000 personnes dans des tentes ou à même le sol: la plus forte concentration de sans-abri du pays.
"C'est comme une piqûre de rappel pour me souvenir de ce que pourrait être ma vie si je continue à prendre de mauvaises décisions", raconte Kenneth Collins, 35 ans, un ex-drogué qui s'est retrouvé à la rue à maintes reprises au cours des 16 années passées.
D'après l'Autorité des services pour sans-abri de Los Angeles, la ville et son agglomération comptent près de 47.000 sans-abri, dont la grande majorité n'a pas accès à des logements d'urgence. Depuis la crise financière et face à une flambée immobilière, leur nombre dans la métropole californienne ne cesse de croître et la ville ne parvient pour l'instant pas à enrayer cette crise.
Jogging au Ghana, en Italie, au Vietnam...
Pour certains de ces SDF, Midnight Runners offre une échappée thérapeutique. Le club a été fondé par un juge, Craig Mitchell, lui-même joggeur passionné quand il ne statue pas sur des affaires de viol ou de meurtre.
Il raconte à l'AFP avoir eu l'idée d'un tel club après avoir été invité par un homme qu'il avait jadis envoyé en prison à visiter la Midnight Mission, un centre de réinsertion pour SDF installé à Skid Row.
"Ils m'ont demandé comment je pouvais les aider et j'ai répondu +Que penseriez-vous d'un club de jogging?+", explique ce juge de 60 ans, en chemise, short et baskets.
En cinq ans, des dizaines de personnes ont rejoint l'équipe, qui a participé à des marathons du Ghana à l'Italie en passant par le Vietnam.
Elle s'entraîne à présent pour une course à Jérusalem.
Michael Mitts espère bien y participer. Cet homme de 47 ans, qui dormait sous des ponts, au bord des rivières ou dans la rue jusqu'à ce qu'il intègre la Midnight Mission en juin, confie avoir eu "une enfance très dure" et s'être retrouvé "dans la rue à 18 ans".
"Non seulement le jogging aide à se débarrasser du stress mais on trouve ici quelqu'un qui s'intéresse à nous suffisamment pour nous donner de son temps et courir avec nous", dit-il du juge. "C'est assez génial".
Les voyages à l'étranger sont financés par des donations et par le juge lui-même, qui n'hésite pas à payer de ses deniers des paires de baskets pour certains membres de cette équipe de 20 à 25 personnes, qui compte aussi un procureur, un avocat général et un dirigeant de studio de cinéma.
'Amis pour la vie'
Le juge Craig Mitchell explique que, s'il fait office de mentor pour beaucoup de membres de cette équipe atypique, les sans-abri ont, eux, donné du sens à sa vie. "Ce sont des gens qui, je pense, seront des amis pour le restant de mes jours", estime-t-il.
"Les plus beaux moments sont quand ils me serrent dans leurs bras en me disant quelque chose que je n'entends pas assez de la part de mes propres enfants: +Vous savez, juge Mitchell, je vous aime vraiment+", poursuit-il.
S'il est conscient que certains de "ses" joggeurs se retrouveront peut-être à nouveau dans la rue ou parfois dans un box d'accusé, il pense que ce n'est pas une raison pour cesser de croire en eux.
"Tout ceux qui travaillent avec des gens tentant de sortir de la drogue ou de la rue le savent: la majorité d'entre eux n'y parvient pas". Mais "après plusieurs échecs, il viendra bien un moment où ils vont comprendre", assure-t-il.
"Je n'aurais jamais rêvé (...) de courir un jour un marathon au Vietnam, et encore moins avec un juge", sourit David Noriega, qui a rejoint l'équipe l'an dernier alors qu'il tentait de se débarrasser de l'alcoolisme qui l'avait conduit à la criminalité, l'extrême pauvreté et la prison.
Les yeux embués de larmes, ce quinquagénaire ajoute: "Quand je suis rentré du Vietnam cet été, mes enfants n'avaient plus honte de m'appeler papa".
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