Dans celui d'Al-Khazir, où des milliers de familles ont trouvé refuge pour fuir les combats contre le groupe Etat islamique (EI), une foule piétine dans la boue, entre des étals à même le sol, désireuse d'améliorer un quotidien fait de dons et d'aide humanitaire.
Waad Khalaf a le sourire aux lèvres: sa petite échoppe -une vitrine à vaisselle transformée en présentoir pour téléphones portables et autres câbles USB- est assaillie en permanence.
"Sous l'Etat islamique, avoir un portable menait à la prison, alors maintenant tout le monde a besoin d'en acheter un", assure ce vendeur de 28 ans en enfonçant ses mains transies par le froid dans les poches de son blouson en faux cuir.
Cet ancien travailleur journalier a fui en novembre Gogjali, localité à la périphérie est de Mossoul, pendant les combats entre jihadistes et forces de sécurité, qui cherchent depuis la mi-octobre à reprendre le dernier bastion de l'EI en Irak.
Il s'est installé avec sa femme, leur fille et leur fils sous une tente du camp d'Al-Khazir et vient de se lancer dans le commerce.
La vente de téléphones "entre 90.000 et 130.000 dinars l'unité", soient entre 70 et 100 euros, lui permet d'acheter "des vêtements et des chaussures d'hiver aux enfants", ainsi que "des médicaments, qu'il faut faire venir d'Erbil", la capitale du Kurdistan irakien à quelques dizaines de kilomètres à l'est.
Un peu plus loin, des jeunes sont accroupis autour d'un générateur. A l'appareil vrombissant, ils ont branché une multi-prise et proposent aux déplacés, qui n'ont que quatre heures d'électricité par jour, de recharger leur téléphone pour 40 centimes d'euros de l'heure.
Pyramide de cartouches
Le petit marché du camp d'al-Khazir s'est monté "comme ça", raconte Farhan Yassine, qui en est presque devenu un pilier. "On ne s'est pas concertés mais au fur et à mesure, on s'est tous retrouvés là", affirme-t-il à l'AFP dans un sourire.
Depuis une douzaine de jours, tous les matins, il installe sa pyramide de cartouches de cigarettes qu'il fait acheter par un intermédiaire à Erbil pour revendre chaque paquet 500 dinars, soit environ 40 centimes d'euro.
Lui n'a pas d'enfants à nourrir, mais recommencer à vendre des cigarettes, c'est une façon de reprendre le cours normal de sa vie. Dans son quartier d'Al-Samah à Mossoul, les jihadistes l'avaient forcé à fermer boutique en l'assommant d'une amende de près de 1.500 euros. Sous leur férule, la cigarette était tout autant un "péché" que le téléphone.
"Couches et lait en poudre"
Ammar aussi a quitté ce quartier Al-Samah dans la précipitation quand les troupes irakiennes sont arrivées aux portes de Mossoul.
Ce coiffeur n'a pu emporter qu'"un ciseau glissé dans un sac" et a dû se racheter tout un attirail, qu'il a fait venir d'Erbil. Maintenant, devant une petite table surmontée d'un miroir, il n'arrête pas de tailler des barbes, de peaufiner des mèches ou de dessiner des coupes d'hommes travaillées au ciseau et à la tondeuse.
Peigne en main, Ammar explique que ses clients "payent ce qu'ils veulent, comme personne n'a de travail", parfois même avec des victuailles, comme en témoigne les sacs de légumes posés sur sa table.
A 26 ans, avec en poche un diplôme de professeur d'histoire qui ne lui a servi à rien sous l'EI puisque le groupe jihadiste avait mis sur pied ses propres écoles, il a cherché à rejoindre une école dans le camp d'Al-Khazir. En vain.
Du coup, il a repris ses ciseaux car il a "une fillette en bas âge qui a besoin de couches et de lait en poudre", explique le jeune homme, le visage encadré par un foulard et une capuche fermement serrée pour affronter le froid.
Des couches et du lait en poudre, il y en a justement à vendre un peu plus loin. Comme des serviettes hygiéniques, des sous-vêtements, des couverts en métal ou des canettes de boissons gazeuses.
Mais pour s'offrir tout cela, il faut de l'argent, denrée rare parmi les plus de trois millions de déplacés d'Irak.
Pour en obtenir, un couple a trouvé un moyen: à travers le grillage qui entoure le camp, il échange des sacs de lentilles ou de riz distribués par les organisations humanitaires contre quelques billets de banque.
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