Hicham, la vingtaine, n'en peut plus.
Enervé, il agite ses bras dans tous les sens en brandissant sa carte d'identité prouvant qu'il est originaire d'un village dont le groupe Etat islamique (EI) a récemment été chassé par les troupes irakiennes lors de leur offensive pour reconquérir Mossoul, au nord de l'Irak.
Quand les jihadistes étaient entrés dans son village, comme beaucoup d'autres, Hicham a été déplacé vers la périphérie de Mossoul, le principal fief de l'EI en Irak.
Puis, quand l'armée irakienne s'est rapprochée de Mossoul, il a été une nouvelle fois déplacé et a dû, comme près de 100.000 autres Irakiens, rejoindre le camp de Hasancham.
"On m'a fouillé, on a contrôlé mon identité puis j'ai été enregistré. Maintenant mon nom est inscrit sur la liste des déplacés et je ne peux plus bouger", tempête le jeune homme. Plusieurs fois, dit-il à l'AFP, il a essayé de sortir du camp. En vain.
'Un vrai toit'
Un peu plus loin, un adolescent qui grelotte dans le froid enrage de ne pas pouvoir retrouver sa maison qu'il pourrait presque apercevoir de la tente où il s'entasse avec sa mère, son père et ses quatre frères et soeurs.
"Notre maison est dans le village de Hasancham et nous, on est dans le camp de Hasancham", qui borde cette localité dans la plaine de Ninive (nord). "Au moins, chez nous, on aurait un vrai toit. Ici, on n'a presque rien à manger" alors qu'au-dehors, assure-t-il, son père pourrait trouver à s'employer pour subvenir aux besoins de la famille.
Vu de l'intérieur des grillages qui enserrent les camps de déplacés du nord irakien, la situation au-dehors paraîtrait presque idyllique. Pourtant, plaident humanitaires et autorités, les combats se poursuivent et, dans les zones où plus aucun militaire ou jihadiste ne se trouve, le déminage pourrait encore durer longtemps.
"Souvent, on nous annonce très rapidement que des zones ont été reprises et sont assez sûres pour y retourner", explique Becky Bakr Abdulla, de l'ONG Norwegian Refugee Council (NRC), "mais quand les gens rentrent, c'est parfois au risque de leur vie".
Avant de revenir chez eux, "ils doivent avoir toutes les informations en main pour prendre leur décision", insiste-t-elle.
Beaucoup de déplacés dans la région de Mossoul "se disent +peut-être que ma vie sera meilleure dans les décombres de ma maison+" que dans un camp où "il n'y a ni assez d'aide, ni assez d'infrastructures", déplore-t-elle.
Or, dans la "capitale" du califat encore largement tenue par l'EI et dans les environs repris par les forces irakiennes, rien n'est sûr pour personne.
Soldats et policiers irakiens racontent avoir vu de tout dans les maisons piégées par les jihadistes avant leur fuite: des bombes à l'explosion déclenchée par un interrupteur ou un téléphone décroché, posées sous un Coran ou sous une peluche d'enfant.
Des années pour une solution durable
Et là où les combats font encore rage, les civils ne sont pas toujours les bienvenus car les militaires craignent que les jihadistes ne les utilisent ou ne s'infiltrent parmi eux. Rumeur ou vérité, tous répètent à l'envi l'histoire de cette grand-mère qui aurait déclenché sa ceinture d'explosifs alors que les troupes venaient la libérer.
Même quand une zone est libérée de l'EI et sécurisée, elle reste durement marquée par les combats: infrastructures détruites, commerces à l'arrêt, approvisionnement difficile. Appauvries, les familles doivent s'en remettre à l'aide humanitaire.
Mais les organisations caritatives confient hésiter à organiser des distributions d'aide dans certaines de ces zones, de peur que les civils attroupés ne deviennent les cibles d'une attaque jihadiste.
"La majorité des déplacés veulent rentrer chez eux pour retrouver une vie normale et sauvegarder leur maison", décrypte Jenny Sparks, de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), "mais l'échelle et la rapidité de ces retours est un défi, surtout pour des communautés déjà fragilisées politiquement et économiquement par l'occupation de l'EI et les opérations militaires".
Dans la ville de Fallouja (centre), libérée il y a six mois de l'EI, "les gens dépendent toujours de l'aide humanitaire" et vivent encore dans des abris car seules "10% environ des maisons sont habitables", explique Mme Bakr Abdulla à l'AFP.
"Pour une solution durable, il nous faudra des années. Et beaucoup plus d'argent".
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