Le soir des attaques parisiennes, l'unité spécialisée de la sous-direction de la police technique et scientifique (PTS) d'Ecully, près de Lyon, est appelée à intervenir. Face aux 130 corps du Bataclan et des terrasses de cafés, les experts travailleront dix jours sans relâche.
"Il est important de rendre le bon corps à la bonne famille, pour ne pas ajouter de la détresse à la détresse", souligne Richard Junca, chef de groupe au Service central de l'Identité judiciaire (SCIJ).
Mais le délai a été mal compris.
Habitués à opérer sur des catastrophes comme le crash de la GermanWings ou le déraillement du train à Brétigny-sur-Orge (Essonne), les policiers ont été confrontés à "un problème de culture" entre les différents intervenants: médecins légistes, enquêteurs, magistrats, familles. Sans compter la cellule interministérielle d'aide aux victimes, créée la veille des attaques.
Le "télescopage" entre l'examen des corps en vue d'une identification et l'autopsie, plus longue, qui vise elle à déterminer les causes de la mort, "a ralenti les choses", se souvient la commissaire divisionnaire Estelle Davet, qui dirige le SCIJ.
Compte tenu de la pression médiatique et politique, de la "concurrence" des réseaux sociaux mais aussi du changement d'échelle, des ajustements ont été nécessaires dans les méthodes de travail.
"Ça fait 20 ans que je fais ce métier et les événements de ces derniers mois, on n'avait pas vécu ça depuis les attentats de 1995 à Paris, où la problématique d'identification des victimes n'avait pas été évoquée. On a pris conscience du besoin de se préparer à ce type d'événements hors du commun", confirme M. Junca.
"Travail d'enquête"
"Nos protocoles d'identification restent sur les mêmes bases scientifiques, telles qu'elles sont définies par Interpol (l'organisation internationale de coopération policière basée à Lyon, NDLR), mais on a essayé de travailler sur une accélération du résultat", explique Mme Davet.
Dès le "relevage du corps" sur la scène de crime, chaque particularité (cicatrice, tatouage, etc.) est désormais consignée dans une case spéciale du formulaire qui l'accompagne, appelée "face track" et vouée à "attirer l'attention" des agents qui procèderont à l'examen avant autopsie et pourront d'emblée le signaler à l'équipe qui reçoit les familles.
L'amélioration des procédures passe aussi par des réunions plus fréquentes de la commission d'identification réunissant parquet, enquêteurs et différents experts, pour confronter les éléments recueillis sur la victime et auprès des familles afin d'attribuer un nom à chaque corps.
"Habituellement, la règle est de réunir une commission d'identification une fois qu'on a traité l'ensemble des corps. Depuis les attentats que nous avons vécus, on essaie de réunir des commissions d'identification au fil de l'eau - pour Nice, on en a fait six - pour pouvoir faire au fur et à mesure les annonces aux familles", indique la cheffe du SCIJ.
Autre modification, tous les corps sont désormais enregistrés, dans un premier temps, sous X, afin d'éviter toute erreur d'identité. Lors des attentats du 13 novembre, une carte de métro (Pass Navigo) retrouvée sur une victime, mais prêtée par un proche, avait semé la confusion.
Identifier un corps reste un "vrai travail d'enquête", souligne la commissaire Elvire Arrighi, qui chapeaute la division de la criminalistique et garde toujours dans son viseur "l'intérêt des familles".
"A Paris, nous avons mis dix jours à identifier l'ensemble des victimes. A Nice, où la situation était plus simple car il y avait une seule scène de crime et moins de décédés (86 au soir du 14 juillet, NDLR), mais grâce aussi à l'amélioration des protocoles, nous avons mis seulement quatre jours", fait-elle valoir.
Un résultat qui a conduit récemment Mme Davet à "échanger" avec la Belgique, très intéressée par la méthode française.
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