Eric Molcrette, 51 ans, comparaissait depuis une semaine pour le viol de 18 élèves et l'agression sexuelle de cinq, toutes âgées de 4 à 6 ans, lors de "jeux du goût" où il imposait des fellations à ces enfants les yeux bandés, à l'école de Planaise, petit village savoyard, entre 2011 et 2013.
Il était aussi poursuivi pour agression sexuelle, par des caresses faites dans leur sommeil à onze fillettes de 8 à 12 ans, lors d'une colonie de vacances équestre à Mornac-sur-Seudre (Charente-Maritime) en août 2012.
Les victimes avaient été identifiées grâce aux photos qu'il avait prises systématiquement et qui ont été retrouvées dans son ordinateur. L'ancien instituteur, incarcéré depuis 2013, a reconnu tous les faits.
Soulignant leur "gravité", leur "réitération constante" et surtout "le nombre des victimes", l'avocat général, Agnès Deletang, a requis le "curseur maximal" assorti d'une période de sûreté facultative des deux tiers, regrettant que, contrairement au système américain, il n'y ait pas en France "la possibilité de cumuler" les peines.
"Il lui reste un long chemin à parcourir", a-t-elle poursuivi, en référence au travail psychologique entrepris en détention par l'accusé, dont les explications ne l'ont "pas convaincue" car "il a beaucoup parlé de lui mais très peu des victimes".
Insistant sur la "dangerosité" de ce "pédophile de proximité avec un statut qui le plaçait ipso facto au-dessus de tout soupçon", la magistrate a également demandé un suivi socio-judiciaire de 10 ans, avec une peine de 5 ans d'emprisonnement en cas de non-respect, l'interdiction d'entrer en contact avec les victimes et leur famille, ainsi que l'interdiction d'exercer toute profession en contact avec des enfants.
'Secret de famille'
Face à des familles rongées de culpabilité de ne pas avoir pu protéger leurs enfants, Mme Deletang a insisté sur la "confiance trahie" et sur le fait qu'"il était impossible de décrypter les signaux que M. Molcrette aurait pu émettre".
Car derrière les trente victimes, il y a trente familles qui traversent cette épreuve. "Des couples connaissent des difficultés, des couples ont explosé", a souligné Me Catherine Rey, avocate de quatre familles.
Deux jours plus tôt, les témoignages poignants de parents -très dignes pendant l'audience- avaient permis de mesurer les dégâts dits collatéraux de cette affaire, car certains sont dépositaires d'un terrible "secret" quand leur enfant n'a pas eu conscience de ce qui lui avait été imposé.
Reste "une question à laquelle vous ne pourrez pas répondre M. Molcrette: que fait-on de ce secret de famille? A quel moment faudra-t-il en parler? Maintenant avec le procès? Quand elles auront l'âge de leur premier flirt?" a lancé Me Rey, qui a demandé "une peine à la hauteur de l'atrocité des crimes commis" envers des fillettes "devenues des objets sexuels".
Pour la défense, Me Nicolas Paradan s'est demandé comment trouver une place "pour dire l'humanité de cet homme qui n'est pas le prédateur qu'on a décrit", mais un homme "à la personnalité complexe, difficile à comprendre, borderline mais pas pervers".
"Il est venu debout quand d'autres ont choisi la fuite, pour faire face à la peine. La vôtre (celles des parents, NDLR) et au châtiment car châtiment il y aura", a ajouté Me Paradan.
Il faisait allusion au directeur de l'école de Villefontaine (Isère) accusé de pédophilie, également lors d'ateliers du goût, et qui s'est suicidé en détention en avril dernier, privant les familles de procès.
Le verdict est attendu vendredi, après une dernière prise de parole de M. Molcrette.
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