En L1, seul Caen avait assumé l'année dernière la présence d'un coach mental auprès des joueurs: Gérard Baglin, âgé aujourd'hui de 66 ans. "La préparation mentale reste taboue", souligne auprès de l'AFP ce consultant en entreprise, spécialiste de sophrologie et de psychologie.
Certains entraîneurs redoutent qu'on remette en cause "leurs prérogatives de meneurs d'hommes", explique-t-il et les joueurs sont souvent très rétifs à avouer leurs failles devant leurs coéquipiers.
A Caen, face à des résultats en berne fin 2014 après la montée dans l'élite, des réunions collectives ont été organisées pour libérer la parole. "Un cadre du vestiaire s'est mis à s'exprimer. Les joueurs lui ont dit, +mais on ne te connaissait pas!+ Ca l'a libéré énormément et ça a changé le regard qu'on portait sur lui", se souvient-il.
Entretiens individuels, jeux, dessins… Les techniques sont nombreuses pour stimuler des joueurs en crise de confiance. Parmi elles la "visualisation mentale", un exercice de "conscience relâchée", proche de la relaxation. "On lui demande de visualiser une image, un geste technique raté par exemple, puis on va déprogrammer la trace de ce geste dans son cerveau pour le mobiliser sur le geste idéal, l'image d'une reprise de volée parfaite", raconte Baglin, qui a lui même pratiqué le foot en division d'honneur.
150 euros l'heure
Raphaël Homat, préparateur mental de 36 ans, est intervenu auprès de joueurs comme l'ancien Caennais Dennis Appiah ou Neal Maupay, qui fait les beaux jours de Brest en L2 après être passé par Nice et Saint-Etienne.
"Je n'ai jamais travaillé avec un club c'est un bon moyen de rester indépendant", insiste-t-il. "Le joueur paye la prestation, environ 150 euros pour une séance d'une heure", et n'a pas la pression du vestiaire ou des comptes à rendre à son entraîneur ou son directeur sportif.
Lui aussi utilise la visualisation mentale ou des techniques comme le "switch": "préparer avec le joueur des mots-clés ou une phrase qui vont l'aider à changer d'état d'esprit" et éliminer les pensées parasites.
Titulaire d'un DEA (Master 2) de "Sport et performance", cet Angevin a aussi suivi une formation en préparation mentale à l'Université de Lille. "Il n'y a pas de diplôme national spécifique, explique-t-il. "Nous sommes un peu comme les ostéopathes il y a quinze ans".
Pas de diplôme donc, et pas d'assurance de tomber sur un préparateur mental compétent. Tout repose sur la confiance et l'intérêt que portent les joueurs ou leur entraîneur pour ce type de pratiques.
"Certains ne sont pas très sérieux", met ainsi en garde Makis Chamalidis, psychologue du sport qui travaille depuis vingt ans aussi bien dans le football, que dans le tennis ou le golf. "Il peut y avoir beaucoup de tchatche, une volonté de se vendre, avec parfois des copinages avec des agents", prévient-il.
'Une population fragile'
La préparation mentale est aussi un peu nouvelle dans le foot français, contrairement aux championnats étrangers les plus compétitifs. "Quand je vois que des clubs comme Barcelone ou Arsenal sont +staffés+ là dessus, ce n'est pas un hasard", souligne Chamalidis, 48 ans.
Mais la pratique se développe, sur les traces des joueurs de tennis qui ont "l'habitude de constituer leur staff, choisir les personnes qui vont les entourer pour gérer leur stress ou leur anxiété", raconte Homat.
De plus en plus, les footballeurs se transforment en "chefs d'entreprise qui cherchent les investissements pour réussir leur carrière et n'attendent pas seulement des choses de leur club", analyse ce spécialiste.
Dans son carnet d'adresses, une vingtaine de joueurs de L1, certains suivis de deux à quatre heures par mois. "C'est une population fragile. Beaucoup de personnes les voient comme des nantis et c'est délicat de venir se plaindre. Il y a beaucoup de stress et d'anxiété", témoigne-t-il.
Baglin s'intéresserait de son côté volontiers à un joueur de Rennes, Yoann Gourcuff. "Toutes ses blessures donnent l'impression d'un mental perturbé, d'une grande fragilité. Je ne sais pas où il en est dans la relation avec son père (Christian, son entraîneur à Rennes). C'est un cas typique. Au lieu de s'acharner sur le corps, il ferait mieux de s'occuper de sa tête".
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