Adoptée par 288 voix contre 32, et cinq abstentions, elle devrait être votée conforme jeudi au Sénat afin d'éviter une interruption automatique de l'état d'urgence le 22 décembre, quinze jours après la démission du gouvernement Valls.
La très grande partie de la majorité et de l'opposition ont voté pour. Seuls les députés Front de gauche, les écologistes contestataires et une poignée de députés LR ont voté contre.
La France connaîtra ainsi sa plus longue période d'état d'urgence ininterrompue - 20 mois - depuis la création de ce régime d'exception pendant la guerre d'Algérie. Durci par le Parlement depuis un an, le régime permet des assignations à résidence, perquisitions administratives, interdictions de cortèges, contrôles d'identité et fouilles de bagages et de véhicules, fermetures de lieux de réunion...
Le nouveau ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux a souligné en préalable que "pèse aujourd'hui sur la France un risque terroriste d'un niveau extrêmement élevé". Depuis la dernière prolongation votée peu après l'attentat de Nice, "nous avons déjoué pas moins de 13 attentats, impliquant une trentaine d'individus", a-t-il plaidé.
Avec de multiples rassemblements publics, le successeur de Bernard Cazeneuve a fait valoir que "l'intense période électorale dans laquelle nous entrons accroît encore le risque de passage à l'acte des terroristes".
En cette période, a jugé le nouveau président du groupe PS Olivier Faure, "si le pire advenait après une levée préalable de l'état d'urgence, il serait forcément instrumentalisé par l'extrême droite pour en appeler à un changement de régime".
Vu le calendrier serré, le groupe LR n'a pas cherché à durcir le texte comme en juillet et réservera ses amendements "pour réarmer la Nation", selon Guillaume Larrivé, pour le dernier projet de loi sécuritaire du quinquennat modifiant les règles de la légitime défense pour les forces de l'ordre, qui sera débattu en janvier.
Une poignée de députés LR n'ont cependant pas soutenu cette prolongation, comme Pierre Lellouche, pour lequel "l'état d'urgence n'a pas permis d'empêcher des attentats".
La principale contestation est venue des députés Front de gauche, écologistes non inscrits ou ex-PS.
L'écologiste Cécile Duflot a déploré "une forme de résignation et d'habitude à débattre de mesures exceptionnelles", se demandant "quel gouvernement osera mettre fin à cet état d'urgence" et dans quelles "mains" il risque de tomber.
"Ce régime doit rester un instrument d'urgence. Notre arsenal antiterroriste est largement suffisant", a renchéri le Front de gauche André Chassaigne.
Ces députés s'appuient notamment sur l'avis du Conseil d'Etat qui, malgré son feu vert au projet de loi, a rappelé que "les menaces durables ou permanentes doivent être traitées, dans le cadre de l'Etat de droit, par les instruments permanents de la lutte contre le terrorisme, tels ceux issus des lois adoptées depuis deux ans".
Ex-rapporteur de la commission d'enquête post-attentats de 2015, Sébastien Pietrasanta (PS) a exprimé ses réserves. "Lever l'état d'urgence n'est pas un désarmement de l'Etat face au terrorisme", qui sera le "combat d'au moins une génération", a-t-il lancé.
Le radical de gauche Stéphane Saint-André a, comme d'autres, souhaité que "cette prorogation soit la dernière".
Record de durée
Le seul incident de cette soirée a concerné la modification introduite par le projet de loi pour les assignations à résidence, jusqu'ici non limitées dans le temps, ce qui pouvait conduire à "une durée excessive au regard de la liberté d'aller et de venir", selon le Conseil d'Etat.
En commission, les députés les avaient limité à 12 mois maximum, avec prolongation possible de trois mois sur décision du Conseil d'État.
En séance, ils sont d'abord revenus, après un vote serré à l'initiative de Guillaume Larrivé (LR), à la version initiale du gouvernement, qui proposait de limiter l'assignation à "15 mois consécutifs en l'absence d'éléments nouveaux".
Mais le président de la commission des Lois Dominique Raimbourg (PS) a demandé un second vote sur cet amendement remettant en cause "la ligne de crête entre protection des libertés et efficacité de l'état d'urgence" et ayant déjà "fait l'objet de discussions avec le Sénat" majoritairement de droite.
Cafouillage et colère de la droite, qui a crié dans l'hémicycle "au déni de démocratie" et à "l'amateurisme" du ministre, qui s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée. Le texte est néanmoins revenu à la version de la commission.
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