Il n'est pas encore midi, en pleine semaine, et des dizaines de boulistes amateurs tirent et pointent sur un terrain de fortune au bord du majestueux lac Anosy, au centre de la capitale malgache.
L'imposante racine qui trône au milieu de ce boulodrome improvisé perturbe à peine la précision des joueurs, qui rivalisent d'ingéniosité pour faire la meilleure approche. Dans un tableau digne de Pagnol sous les tropiques, des curieux s'arrêtent pour observer et surtout commenter la partie.
"Les gens qui jouent ici sont presque tous des chômeurs. La pétanque, c'est très, très important, c'est tout pour nous !", clame Andry Maminirina, qui a créé ce terrain sauvage il y a trois ans.
De l'autre côté du lac, au pied de la colline où les lettres Antananarivo s'étalent sur l'horizon à la manière de celles d'Hollywood à Los Angeles, l'activité bat également son plein au "Club bouliste de Tana" (CBT).
Ici, pas de racine pour compliquer les trajectoires, les terrains sont bien entretenus. Une centaine de passionnés de pétanque, hommes et femmes réunis, viennent tous les jours y taquiner le cochonnet.
A l'ombre des pins, les retraités côtoient les jeunes dans une joyeuse mixité sociale.
"J'ai joué pour la première fois à la pétanque en 1964 alors que j'étais encore dans l'armée française", se souvient Clet Ramamonjisoa, 75 ans, en rappelant que la popularité du jeu de boules est née avec la colonisation française.
Au CBT, les joueurs s'affrontent avec des boules d'occasion, souvent récupérées auprès de leurs familles expatriées en France.
"Ici, on n'a pas l'occasion d'avoir du matériel, même les boules manquent à Madagascar. Et s'il y en a, elles sont très chères", regrette Michel Ranarivelo entre deux parties.
'Comme le foot au Brésil'
En ce vendredi de la fin novembre, l'excitation était à son comble, à une semaine du coup d'envoi à Madagascar des championnats du monde de pétanque, les premiers mondiaux tous sports confondus jamais organisés sur la Grande Ile.
Ils se sont soldés le 4 décembre par la victoire en finale de Madagascar sur le Bénin, lequel avait sorti en demi-finale la France jusque-là favorite et invaincue depuis 2001. Une sensation.
Déjà champion du monde en 1999, Madagascar ne compte qu'une vingtaine de professionnels mais le pays avait toutefois accumulé les titres de numéro 2 ces dernières années.
"La pétanque à Madagascar, c'est comme le foot au Brésil ! Au début c'était un loisir, mais la victoire de 1999 a permis de vulgariser le jeu dans les différentes villes du pays", se réjouit Beryl Razafindrainony, le président de la fédération.
Au Club bouliste de Tana, plusieurs joueurs évoquent les problèmes de "corruption" qui gangrènent la pétanque de haut niveau dans le pays, avec des finales "vendues" à des adversaires pour quelques milliers d'euros, une somme astronomique dans un pays où le salaire moyen dépasse à peine 45 euros mensuels.
Pour éviter qu'un tel scénario ne se renouvelle, les boulistes malgaches ont été mis au vert dans un lieu tenu secret avant les Mondiaux à Madagascar, leurs portables confisqués et toute communication, y compris avec les familles, interdite.
"Il y a toujours des gens mal intentionnés pour venir emmerder nos joueurs", regrette Beryl Razafindrainony. "Les joueurs sont motivés (...) Mais la suspicion est toujours là et, pour éviter tout ça, nous les mettons en recul de la société".
La méthode semble avoir porté ses fruits.
Profitant de l'élimination en demi-finale de la France, championne en titre depuis quinze ans, Madagascar n'a pas manqué l'occasion de reprendre sa couronne: dans une affiche plutôt inhabituelle pour le sport au niveau mondial, les joueurs malgaches, portés par une ambiance digne d'une finale de football, ont écrasé le Bénin 13 à 5.
Avec ce nouveau sacre, dix-sept ans après le titre qui a lancé la fièvre de la pétanque dans le pays, l'engouement des Malgaches pour cette discipline ne semble pas prêt de s'éteindre.
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