La communauté internationale, à commencer par le Sénégal, unique pays limitrophe de la Gambie, et les Etats-Unis, ont aussitôt condamné ce revirement, exigeant que M. Jammeh conduise une "transition pacifique" avec le président élu Adama Barrow et assure sa sécurité.
Dans un communiqué, le département d'Etat a qualifié le revirement de M. Jammeh d'"acte répréhensible" et de "violation inacceptable de la confiance" des Gambiens.
Le Sénégal a également pressé la Commission économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), l'Union africaine et l'ONU de "prendre toutes les mesures qu'imposent la sauvegarde des résultats du scrutin présidentiel en Gambie et le respect de la souveraineté du peuple gambien".
Une dirigeante de l'opposition, Isatou Touray, a dénoncé sur les réseaux sociaux "un viol de la démocratie", appelant les opposants à "rester calmes, lucides, vigilants, et à ne pas reculer".
Dans les heures précédant la déclaration du président sortant, l'ambiance s'était tendue à Banjul, la capitale de ce petit pays d'Afrique de l'Ouest enclavé dans le territoire sénégalais hormis sa façade atlantique, avec le déploiement de troupes et l'installation de sacs de sable sur les axes stratégiques, faisant craindre un nouveau coup de théâtre.
"Tout comme j'ai loyalement accepté les résultats, en croyant que la Commission électorale était indépendante, honnête et fiable, je les rejette dans leur totalité", a affirmé M. Jammeh au cours d'une déclaration télévisée dans la soirée.
Une semaine auparavant, Yahya Jammeh, au pouvoir depuis 22 ans, avait pourtant reconnu sa défaite au scrutin du 1er décembre et félicité Adama Barrow, dans une incroyable conversation téléphonique télévisée.
"Laissez-moi répéter: je n'accepterai pas les résultats sur la base de ce qui est arrivé", a-t-il insisté vendredi soir, dénonçant des "erreurs inacceptables" de la part des autorités électorales et appelant à la tenue d'un nouveau scrutin.
Il a pointé une erreur de comptabilisation reconnue par la Commission électorale indépendante (IEC), accordant toujours la victoire à M. Barrow, mais ramenant l'écart à quelque 19.000 voix seulement, et fait état d'"enquêtes" sur l'abstention révélant selon lui que de nombreux électeurs n'ont pas pu voter ou en ont été dissuadés par des informations erronées.
Lutte d'influence dans l'armée
"Nous retournerons aux urnes parce je veux m'assurer que chaque Gambien vote sous l'autorité d'une commission électorale impartiale, indépendante, neutre, et libre de toute influence étrangère", a dit M. Jammeh.
Selon la Constitution, seule la Cour suprême peut trancher les litiges sur les résultats électoraux. Tout candidat à la présidentielle peut la saisir dans les dix jours suivant la proclamation des résultats.
Le président de l'IEC, Alieu Momar Njie, a été nommé en avril par le chef de l'Etat, son prédécesseur, qui y siégeait depuis 1996, ayant été mis à la retraite à la suite d'un recours de l'opposition.
"L'intervention de puissances étrangères ne changerait rien", a affirmé le président gambien, prévenant qu'il ne tolérerait aucune protestation dans les rues.
Cette déclaration a été précédée par la publication vendredi d'un communiqué de l'ambassade américaine à Banjul louant "les services de sécurité gambiens pour leur abnégation dans leurs devoirs pendant cette période de transition vers une nouvelle administration présidentielle".
"Les soldats ont démontré leur respect pour l'Etat de droit et le résultat de l'élection présidentielle, et nous les exhortons à continuer à honorer ces principes", ajoutait la représentation américaine.
La population profitait depuis une semaine d'une liberté inédite, à la perspective d'une alternance démocratique.
La veille, le président élu s'est prévalu du soutien du chef de l'armée, le général Ousman Badjie.
Le général Badjie "a dit qu'il était fidèle au président Yahya Jammeh parce qu'il était élu président. Il a affirmé que maintenant que je suis élu par le peuple gambien, il allait me soutenir", a déclaré jeudi Adama Barrow.
Mais, dans une apparente tentative pour s'assurer la loyauté de la hiérarchie militaire, dans ce moment crucial, le président Jammeh a accordé des promotions jeudi et vendredi à quelque 250 officiers et officiers supérieurs.
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