"Il est impossible de savoir jusqu'où et depuis quand remonte cette conspiration". Mais Richard McLaren et son équipe ont malgré tout dévoilé vendredi un tableau riche et complet de ce que la Russie a fait, entre 2011 et 2015 à coup sûr, pour duper le monde du sport.
Comme après chaque nouvelle accusation, la Russie a rapidement réagi en démentant l'existence de "tout programme de soutien du gouvernement pour le dopage", selon un communiqué du ministère des Sports.
Les termes du rapport McLaren, s'ils expriment l'exact inverse, sont tout aussi clairs.
"Une conspiration institutionnelle a été mise en place pour les sports d'hiver et d'été avec la participation du ministère des Sports et de ses services comme l'agence russe antidopage (Rusada) (...) le laboratoire antidopage de Moscou, aux côtés du FSB (services secrets), afin de manipuler les contrôles antidopage", a expliqué Richard McLaren en conférence de presse, à Londres pour la présentation finale de son rapport.
La Russie et le dopage, c'est le polar de l'année 2016 dans le monde du sport.
Le premier volet du rapport, divulgué en juillet, avait mis au jour une tricherie spécifique pour les JO-2014 d'hiver, organisés à Sotchi en Russie.
Rodtchenkov le détonateur
Il faisait suite aux propos de l'ancien patron du laboratoire antidopage de Moscou Grigori Rodtchenkov, réfugié aux Etats-Unis et qui avait fait état de ces pratiques de grande ampleur dans les colonnes du New York Times en mai.
Plus d'une centaine de sportifs russes s'étaient ainsi vu privés des jeux Olympiques de Rio l'été dernier.
Le rapport final dévoilé vendredi enfonce le clou, puisqu'il étend la fraude à l'ensemble des grandes compétitions qui ont eu lieu durant la période 2011-2015, mettant au jour une "manipulation systématique d'échantillons et d'ADN" aux JO 2012 et 2014, par exemple.
"Cette manipulation systématique et centralisée des contrôles antidopage a évolué et a été affinée au fur et à mesure de son utilisation, aux jeux Olympiques de Londres en 2012, aux Universiades de 2013, aux championnats du monde d'athlétisme 2013 à Moscou, et aux Jeux d'hiver à Sotchi en 2014", a détaillé M. McLaren.
La Russie dopée a donc su changer de visage au cours des ans en s'adaptant à la situation.
"L'évolution de l'infrastructure visait à répondre aux changements de règlement de l'Agence mondiale antidopage (AMA) et de ses interventions inopinées", a souligné le juriste.
Identités secrètes pour l'instant
"Plus de 1000 athlètes russes participant à des disciplines d'été, d'hiver ou paralympiques ont été impliqués ou ont bénéficié de ces manipulations pour contourner les contrôles positifs", a-t-il développé.
Les identités n'ont pas été dévoilées: "Les infos que nous avons sont confidentielles", a expliqué le juriste. "C'est aux fédérations internationales de décider de ce qu'elles veulent faire des ces informations. Qu'elles décident de poursuivre pour des infractions aux règles antidopage ou non c'est à elles d'en décider", a-t-il souligné.
M. McLaren a précisé que les identités de 695 sportifs, dont 19 non-Russes, avaient été transmises aux Fédérations internationales concernées.
Les découvertes faites par l'équipe McLaren mêlent en tout cas professionnalisme et méthodes artisanales.
"Du sel et du Nescafé ont ainsi été ajoutés dans les échantillons urinaires" pour fausser les résultats, a ainsi dévoilé M. McLaren. Il s'agissait ainsi de donner une bonne apparence aux échantillons manipulés.
Tout était bon pour que la stratégie d'Etat dans le sport soit efficace, notamment lors des JO d'hiver de Sotchi en 2014.
"Cela visait à assurer à la Russie, le pays hôte, qu'elle pourrait décrocher le plus de médailles possible en permettant à ses meilleurs sportifs prétendant à une médaille de se doper et, parfois, dans certains cas, y compris pendant les Jeux", a résumé M. McLaren.
Le rapport McLaren décrit un système de dopage d'Etat dans 30 sports. En parallèle, l'athlétisme russe est au centre d'un vaste scandale de dopage et de corruption, mis au jour par l'Agence mondiale antidopage (AMA).
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