Jordan, Louis, Nicolas, Reinicaer et les autres bénéficient d'un nouveau dispositif d'insertion sociale par le travail en entreprise ordinaire, à Auneau-Bleury-Saint-Symphorien, une commune nouvelle d'Eure-et-Loir.
Jean-François Dufresne, président de l'association Vivre et travailler autrement, lui-même père d'une jeune adulte autiste et également directeur général d'Andros, est à l'initiative de cette innovation.
Les jeunes travailleurs, dont son fils, sont ainsi employés à mi-temps en CDI par l'entreprise agro-alimentaire Novandie, filiale du groupe Andros. L'initiative bénéficie du soutien de l'État et des institutions locales et régionales.
Pour l'heure, c'est la pause déjeuner dans la salle-à-manger de la Maison du Parc, leur lieu de vie. Chacun a sa place autour de la table où sont servis des plats préparés par la cuisinière. Mais ce soir, ce seront eux qui cuisineront.
"L'objectif de l'association est de prouver que l'insertion des personnes autistes par le travail est possible et que c'est une source d'épanouissement pour eux, grâce à un accompagnement éducatif et social et à un hébergement", explique à l'AFP la responsable de l'association Yenni Gorce.
Ils sont accompagnés à l'usine de moniteurs d'ESAT (établissement et service d'aide par le travail) mais aussi d'éducateurs spécialisés de la maison de l'autisme d'Eure-et-Loir.
La plupart des autistes engagés dans ce programme ne savent pas lire, ne communiquent pas ou peu avec des mots et ressentent des intérêts restreints. Ils peuvent aussi faire preuve de comportements répétitifs.
"Ils éprouvent du mal à exprimer ce qu'ils ont à l'intérieur d'eux-mêmes. En revanche, tous possèdent des facultés de concentration exceptionnelles. Ils ont une excellente mémoire et comprennent parfaitement leur environnement de manière visuelle, lorsqu'il leur est adapté", souligne Yenni Gorce.
environnement adapté
L'aménagement a été conçu par des spécialistes pour que la compréhension des salariés autistes soit parfaite: à l'usine tout est visuel, calibré, mesuré, structuré. "Les personnes autistes souffrent de l'imprévu et rencontrent des angoisses, voire subissent des crises lorsqu'un phénomène inattendu survient", souligne Mme Gorce.
Ils changent aussi régulièrement de postes de travail, passant d'une ligne de production, où ils doivent insérer des couvercles sur des pots de yaourt, à la réalisation de panachages de produits finis, vendus en lots.
Toutes les consignes de travail et de sécurité sont formalisées par des codes couleurs et des pictogrammes, étape après étape.
"Ce sont des tâches qui étaient remplies auparavant par d'autres salariés de l'usine et par des intérimaires", explique Marie-Amélie Collas, directrice technique chez Novandie.
"Quand ils ont une tâche à réaliser, ils la font à la perfection. Le travail qui leur est confié est bien mieux réalisé que par les autres salariés, et plus rapidement", estime Mme Collas.
Une fois leur demi-journée de travail terminée, les personnes autistes bénéficient l'après-midi d'activités de vie et de socialisation, toujours très cadrées: cours de médiation artistique, sport, musique, mais aussi des activités plus banales comme le jardinage, les courses au supermarché, la préparation des repas…
Si leurs postes de travail à l'usine sont précisément calibrés, il en est de même sur leur lieu de vie. Le soir, la plupart dorment dans leur studio tandis que deux jeunes adultes rentrent dans leur famille. Les résidents payent sur leur salaire (le Smic) une participation financière à l'association.
"L'objectif de Vivre et travailler autrement est d'essaimer partout sur le territoire ce que l'on est en train de réaliser ici. On veut montrer aux entreprises, collectivités locales et autres qu'il est possible et bénéfique de faire travailler des personnes autistes", explique Mme Gorce.
Selon l'association, la prise en charge des personnes coûterait environ 35.000 euros par an et par personne avec cette expérimentation, contre 80.000 euros dans des structures d'accueil classique type établissements médico-social.
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