La petite Bana Al-Abed a suscité l'émoi dimanche soir en "disparaissant" de Twitter au moment où l'armée s'approchait de sa maison à Alep-Est, secteur rebelle violemment bombardé depuis le 15 novembre par le régime qui cherche à reprendre la totalité d'Alep.
Mais elle est réapparue mardi pour rassurer ses 213.000 followers: "Bonjour mes amis, comment allez-vous? moi je vais bien", a-t-elle tweeté.
"Notre maison a été endommagée par un bombardement" et l'armée "s'est beaucoup approchée de notre quartier", a expliqué à l'AFP son père Ghassan al-Abed, alors que les troupes progouvernementales se sont emparées des deux-tiers d'Alep-Est.
"Nous avons fui vers un autre (quartier) à Alep-Est et la famille va bien", mais "le réseau internet était très faible", a-t-il dit.
En près de six ans de conflit destructeur en Syrie, de nombreux enfants, identifiés ou anonymes, ont été transformés en "symboles" de la tragédie humaine, la pire depuis la Seconde guerre mondiale.
"Sauvez-nous"
En 2011, à peine deux mois après le début de la révolte contre le régime Assad, Hamza al-Khatib, 13 ans, est arrêté, torturé puis tué par les services de renseignements selon sa famille et l'opposition.
Il devient le symbole de la répression sanglante des autorités des manifestations pacifiques qui se transforment en rébellion armée.
En 2015, la photo d'Aylan, le petit garçon syrien noyé et échoué sur une plage turque, suscite un émoi mondial en résumant la tragédie des millions de réfugiés fuyant le pays en guerre.
Avec la multiplication depuis plusieurs mois des offensives du régime pour la reprise d'Alep, la deuxième ville du pays, réseaux sociaux et médias s'intéressent au drame de cette cité où les destructions suscitent des comparaisons avec Berlin en 1945, Guernica ou encore Grozny.
En août dernier, la photo du petit Omrane, le visage hébété et ensanglanté dans l'ambulance après la destruction de sa maison à Alep-Est, fait le tour du monde.
Depuis le 23 septembre, avec l'aide de sa mère Fatemah, Bana interpelle la toile en tweetant en anglais lors d'une violente campagne de bombardements menée par le régime pour reprendre Alep-Est qui lui échappe depuis 2012.
"On a très peur, sauvez nous", "les bombes font trembler le sol", "la guerre m'a volée mon enfance" ou encore "il n'y a plus de médicaments", peut-on lire dans les tweets sur le compte @AlabedBana, vérifié par Twitter.
Parfois des vidéos de la fillette sont postées de même que des photos troublantes d'enfants morts.
Fan de Manchester United
On y voit Bana, lisant Harry Potter, que l'auteur J.K. Rowling lui a offert sous forme électronique. Ou encore disant son soutien au club de foot Manchester United, le priant de gagner pour qu'elle "oublie les bombes".
Avant de disparaître pendant plus de 24 heures, sa mère a écrit dimanche soir: "Nous sommes sûrs que l'armée va nous arrêter maintenant. Nous nous reverrons un jour, cher monde. Au revoir.-Fatemah". Les "followers" étaient si inquiets qu'ils ont lancé le hashtag #WhereisBana (Où est Bana).
"Je prie pour que tu restes en sécurité", "Courage!" lui ont répondu des sympathisants.
Mais si des milliers d'internautes ont vu dans Bana et Fatemah un symbole du drame des civils à Alep-Est, celles-ci ont été en revanche la cible de critiques des détracteurs de la rébellion ainsi que du régime dont M. Assad en personne.
"C'est un jeu, un jeu de propagande, un jeu des médias", a affirmé M. Assad en octobre à la chaîne danoise TV2.
"Est-ce que ça vaut la peine de risquer (la vie) de 'ton enfant' pour de la propagande", affirme de son côté un internaute à l'adresse de la mère.
"L'armée libère les civils d'Al-Qaïda (...) mais ce compte de propagande veut montrer les choses différemment", lance un autre. "Cette enfant est exploitée par ses parents terroristes", tweete encore un internaute.
Les réponses aux tweets se transforment rapidement en une guerre entre partisans et détracteurs.
"C'est juste une enfant qui est bombardée", s'émeut un sympathisant.
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