Allure de notable toujours tiré à quatre épingles, manières policées et langage châtié, cet ancien avocat de 53 ans succède pour les derniers mois du quinquennat à la tête du gouvernement à Manuel Valls, qu'il avait déjà remplacé comme "premier flic de France" en avril 2014 quand ce dernier avait été nommé à Matignon.
A l'Intérieur, il a été confronté, aux côtés de François Hollande et Manuel Valls, à la vague sans précédent d'attentats jihadistes qui, depuis janvier 2015, a fait 238 morts et meurtri le pays.
Jusque-là plutôt consensuel, il essuie une avalanche de critiques après l'attentat de Nice (86 morts le 14 juillet). La polémique autour du dispositif de sécurité le soir de l'attaque écorne son image de compétence et de fermeté.
Ce fils d'instituteur, né le 2 juin 1963 à Senlis (Oise), songe-t-il à une démission, réclamée alors par certains à droite et à l'extrême droite? "On ne déserte pas le combat contre le terrorisme et pour la République, on le mène jusqu'au bout", répond-il.
Ancien maire de Cherbourg et ex-député de la Manche, celui qui a pour passe-temps favori de tailler ses rosiers sait, entre quatre murs, se départir du "flegme" qu'il prend soin d'afficher en public et laisser place à des "colères légendaires", selon de hauts fonctionnaires qui l'ont côtoyé.
Après les attentats de novembre 2015, devant les plus hauts dirigeants policiers, il tape du poing sur la table pour mettre fin à la "guerre des polices": "C'est moi qui décide quand il s'agit de la sécurité des Français, que les choses soient bien comprises ainsi".
Le ministre de l'Intérieur multiplie les lois antiterroristes, tout en répétant qu'il n'y a pas de "risque zéro".
"Tempêtes"
A sa façon, par des déclarations très balancées ou des silences remarqués, il sait aussi à l'occasion signaler sa différence avec Manuel Valls.
Quand le Premier ministre affiche des positions ultralaïcistes ou exhorte à la "bataille culturelle" contre le salafisme, son ministre de l'Intérieur s'efforce de jouer une partition plus apaisante.
Mais Bernard Cazeneuve a aussi été confronté, ces dernières semaines, à une fronde inédite dans la police. Après une attaque d'agents aux cocktails Molotov dans l'Essonne le 8 octobre, des milliers de policiers de base ont défilé à travers la France, obligeant le gouvernement à casser sa tirelire pour fournir moyens et matériels supplémentaires.
Il a enfin été aux avant-postes face à la crise migratoire, avec le démantèlement du campement de la "Jungle" de Calais, une promesse de François Hollande.
Il "a fait front à de véritables tempêtes", souligne un haut fonctionnaire.
"Il a pris de plein fouet ce qu'en 50 ans, ses prédécesseurs se sont partagé (terrorisme de masse, crise migratoire, contestation sociale)", explique Patrice Ribeiro, de Synergie (second syndicat d'officiers), décrivant un ministre "dur en affaires mais fair-play".
Tout en affichant son sérieux et son refus de la politique politicienne, l'intéressé ne craint pas de brosser un portrait flatteur de lui-même: en pleine controverse post-attentat de Nice, il se dépeint en "homme qui a fait de la rigueur en politique une boussole et du sens de l'Etat une doctrine, une manière d'être".
Cet ex-soutien de Laurent Fabius était peu connu du grand public et ne comptait pas parmi les soutiens historiques de François Hollande avant de devenir un des porte-parole de sa campagne présidentielle en 2012.
Depuis l'élection du chef de l'Etat, la loyauté et la discrétion de cet homme marié et père de deux enfants ont pourtant fait de lui l'une des chevilles ouvrières de l'exécutif.
Le président lui a confié à plusieurs reprises des missions aussi délicates qu'inattendues, des Affaires européennes au Budget (ministère dont il hérite en plein scandale Cahuzac) puis à l'Intérieur.
Désormais, Bernard Cazeneuve est à la tête d'un gouvernement à la durée de vie singulièrement limitée, chargé de conduire la France jusqu'à la présidentielle de mai 2017, un scrutin dont François Hollande, à qui il doit tant, sera absent.
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