"De temps en temps, j'ai envie de tuer quelqu'un. J'en ai besoin...".
Dans l'une de ses conversations téléphoniques enregistrées par les enquêteurs, Laura Taroni, infirmière à l'hôpital de Saronno, à une vingtaine de kilomètres au nord de Milan (nord), confie ses pulsions meurtrières à son amant Leonardo Cazzaniga, 60 ans, anesthésiste dans le même établissement.
Au bout du fil, le médecin lui demande si elle en a déjà parlé à son psychiatre, et conclut en disant: "Il ne sait pas que tu l'as déjà fait".
Arrêtés mardi matin, et inculpés dans la foulée d'homicide volontaire, tous deux sont soupçonnés d'avoir provoqué la mort de dizaines de personnes, des patients en fin de vie mais aussi le mari et la mère de la jeune femme de 41 ans, dont les corps furent rapidement incinérés.
"Je suis bouleversée, comme tout le monde. Cela dépasse l'imagination", a commenté jeudi la ministre italienne de la Santé, Beatrice Lorenzin, après avoir pris connaissance des écoutes téléphoniques.
Au cours de leurs investigations, commencées il y a deux ans, les carabiniers se sont particulièrement intéressés à une quarantaine de décès survenus entre 2011 et 2014, à chaque fois lorsque le docteur Cazzaniga effectuait son tour de garde aux urgences de l'hôpital.
Une trentaine sont jugés "suspects" tandis que cinq autres sont qualifiés d'homicides, dont ceux du mari et de la mère de Laura Taroni.
Dans cette "liste noire" figure également le nom du propre père du praticien, décédé le 20 octobre 2013, alors qu'il était hospitalisé en phase terminale.
'Ange de la mort'
Selon des témoignages recueillis auprès de membres du personnel, le praticien était connu pour son sens de l'humour plutôt macabre: "Je l'ai entendu dire à un cancérologue que s'il avait besoin de libérer des lits, il pouvait passer dans son service", se souvient l'un d'eux, cité dans le quotidien Il Messaggero.
Un médecin "atypique", racontent d'autres, colérique mais expérimenté et qui, "lorsqu'il posait un diagnostic ne se trompait jamais".
Amateur de littérature antique, il a demandé à aller chercher à son bureau un recueil de poésie grecque au moment de son arrestation.
Sur le ton de la plaisanterie, il se qualifiait lui-même d'"ange de la mort déployant ses ailes", ont rapporté plusieurs infirmiers.
L'enquête a permis d'établir qu'il avait mis au point un "protocole" personnel destiné aux malades en fin de vie, à base de doses excessives et rapprochées d'antalgiques et d'anesthésiants.
Mais selon un autre témoin, "il y a aussi des patients, qui n'étaient pas à l'agonie, qui sont morts après une administration de médicaments décidée par le docteur Cazzaniga". L'un des cas les plus troublants étant celui d'une femme décédée à l'hôpital où elle avait été admise pour une banale luxation d'épaule.
Mort en juin 2013, le mari de Laura Taroni a lui succombé à une overdose d'insuline, substance qu'elle lui a administré sur une longue période en lui faisant croire qu'il était diabétique.
Sous l'emprise de son amant maléfique, elle disait de lui qu'il était "l'homme le plus important du monde, qu'elle pourrait tuer (ses) deux enfants pour lui". Ce dont il la dissuadera.
Alors qu'ils sont déjà sur écoute, il lui dira: "Ca a été une idée géniale d'incinérer ton mari. Génial aussi de l'avoir fait pour ta mère...".
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