Mohamed est l'un des premiers anciens pêcheurs à être formés pour surveiller les récifs sous-marins au large de l'île de Pate, dans le sud-est du Kenya, où l'avenir des pêcheurs s'est assombri avec la baisse des stocks de poissons.
A Pate, situé sur l'idyllique archipel de Lamu, les pêcheurs doivent aujourd'hui s'adapter pour survivre, après avoir découvert que l'océan n'est pas une ressource sans limite. La pêche y est devenue la principale source de revenus quand le tourisme a décliné après une série d'enlèvements par des pirates en 2011 et une hausse des attaques menées par les islamistes somaliens shebab.
Les responsables communautaires craignent aujourd'hui, avec la raréfaction des poissons, que la pauvreté n'augmente.
"Quand on en arrive à un point où les gens n'ont rien à faire, n'ont pas de revenus (et que) la pauvreté augmente, ils n'ont plus d'autre option que de finir par rejoindre des mauvais groupes comme les shebab", estime Atwas Swabir, le président de la réserve marine de Pate.
La pêche, un 'mode de vie'
La pauvreté est déjà bien enracinée. Sur l'île bordée par la mangrove, l'électricité n'a atteint le village de Faza que deux mois plus tôt.
Des dizaines d'enfants traînent sur le rivage. SelonAtwas Swabir, nombre d'entre eux finiront pêcheurs, "qu'ils le veuillent ou non". Rendre la pêche viable sans détruire l'environnement est donc capital.
Près de l'endroit où Mohamed prend des notes, deux embarcations traditionnelles appelées dhows (boutres) étendent un filet au maillage étroit qui emporte tout dans son sillage, y compris de jeunes poissons et quelques morceaux de corail.
"C'est ici que la reproduction a lieu, que (les poissons) déposent leurs oeufs. Les pêcheurs ciblent directement ces récifs", explique Juliet King, conseillère pour le Northern Rangelands Trust (NRT), une organisation de défense de l'environnement.
Le programme de surveillance des récifs, financée par l'organisation américaine Nature Conservancy, est destiné à aider les pêcheurs à mieux préserver leurs ressources, en utilisant une méthode proche de la jachère, qui laisse certaines zones au repos le temps qu'elles se repeuplent.
A plus long terme, le but est de permettre aux pêcheurs de s'éloigner d'un secteur côtier trop fragile.
Le désastre de la surpêche
"Nous essayons d'encourager (les pêcheurs) à étendre leur zone de pêche à des eaux légèrement plus profondes et moins exploitées, afin de nous attaquer au problème fondamental de la surpêche", indique George Maina, coordinateur du projet pour Nature Conservancy.
L'urgence est d'autant plus grande que la construction prévue dans les environs d'un nouveau port industriel devrait aider au développement de la région, mais augure mal de l'avenir de quelque 4.000 pêcheurs s'ils restent près des côtes.
Plus au large, ils pourraient augmenter la taille de leur pêche et pêcher des poissons d'une valeur marchande plus importante. Mais cela requiert de la glace pour le stockage et un marché sur lequel les vendre.
Un nouveau projet en ce sens est à l'essai. Des dhows quittent Pate avec des caissons de glace à bord. Le jour d'après, la pêche, composée de vivaneaux, de thons, et d'empereurs est confiée à un hôtel proche, qui loue un congélateur aux pêcheurs, avant d'être envoyée vers des restaurants hauts de gamme et des lodges dans tout le Kenya.
Mohamed Mwanaheri, 40 ans, dit avoir plus que doublé ses revenus avec ce nouveau programme pilote.
Fuzz Dyer, conseiller pour NRT et propriétaire de l'hôtel où le poisson est congelé, estime que les pêcheurs peuvent produire 400 kg de poissons de bonne qualité chaque jour si on les aide à modifier leurs pratiques et à écouler leur pêche.
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