Devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, l'avocat général avait requis la veille trente ans de réclusion assortie d'une peine de sûreté des deux tiers à l'encontre d'Eddy Tir, âgé de 25 ans, et vingt ans contre son co-accusé Seyni Demba, 23 ans.
Kamel El Mehli a été tué au pied de son immeuble de la cité de la Castellane par les deux jeunes hommes qui l'avaient raccompagné chez ses parents après une tournée des bars, Seyni Demba, son ami d'enfance, et Eddy Tir, qui fréquentait depuis quelques mois la Castellane.
Les deux hommes avaient eu un différend avec Kamel avant le meurtre. Trois mois plus tôt, dans un bar, Eddy Tir avait été blessé à la cuisse d'un coup de couteau par l'adolescent. Seyni Demba s'était battu avec ce dernier deux jours plus tôt, et avait eu l'arcade sourcilière entaillée au cutter.
Un épisode presque ordinaire, à en croire les adolescents, dans ce groupe habitué à se battre entre deux parties de play-station. "Dans la cité on s'insulte comme on se dit bonjour, on se dit +bâtard, fils de pute+", raconte Seyni Demba, dont le grand frère explique à la barre qu'il ne pouvait pas le surveiller car il était lui-même "bloqué à la maison à cause d'un bracelet électronique".
Eddy se 'vante beaucoup'
Quelques heures après l'agonie de Kamel, la rumeur enfle à la Castellane et désigne unanimement Eddy Tir comme le tireur. Des témoignages accablent le désigné "gros cul" et ses 107 kilos, notamment celui d'un jeune qui a passé la nuit avec Tir, Demba, et El Mehli.
Surtout, un gant, retrouvé à 100 mètres de l'arme du crime, porte des traces de résidus de tir et l'ADN d'Eddy Tir.
La personnalité d'Eddy Tir, duelle, a été au coeur du procès. D'un côté Eddy "gros cul", qui se vante beaucoup, serait "une tête de réseau" de la cité Font-Vert. Le petit-fils de Saïd Tir, figure du grand banditisme marseillais tué en 2010, affiche 33 condamnations depuis ses 12 ans.
Mais dans le box des accusés, Eddy Tir s'est présenté avec vingt kilos de moins, dans un petit pull réhaussé d'un col de chemise. En pleurs, il s'est dit "victime d'un complot".
Pas reconnu par son père, abandonné par une mère dépressive, Eddy porte "comme un fardeau cette hérédité patronymique", assure son avocat. Quelques mois avant le meurtre, il s'était lié d'amitié avec Seyni Demba, de deux ans son cadet.
Seyni, lui aussi maltraité et délaissé par sa famille, trouvait refuge chez les El Mehli et considérait Kamel comme "de son sang". "C'est une tragédie de deux frères", a expliqué l'avocat des parties civiles Me Laurent Godon, expliquant que Demba avait fait un "transfert d'amitié" de Kamel vers Eddy Tir.
'J'ai vu revenir Eddy avec la kalachnikov'
Seyni, l'ami d'enfance, qui appelait la mère de Kamel "Tata", mangeait à la table des El Mehli, n'a cessé de crier son innocence. Il assure avoir cru à cette soirée de réconciliation, jusqu'au moment où Eddy Tir lui a ordonné de freiner pour rattraper Kamel. "J'ai entendu des coups de feu, des cris, puis j'ai vu revenir Eddy avec la Kalachnikov", raconte-t-il.
L'accusation a toutefois relevé les nombreux échanges téléphoniques entre Demba et Tir avant et après le meurtre, la "haine" affichée par Demba contre son ancien ami d'enfance, et l'attitude de ce dernier, qui préfère s'enfuir à toutes jambes que de prêter secours à son soit-disant frère.
Eddy Tir assure quant à lui n'avoir jamais raccompagné Kamel chez lui. Seyni le "collait depuis qu'il s'était fait planter par Kamel", explique-t-il. "Il me disait: donne-moi une arme, donne-moi une arme", ajoute-t-il, concédant avoir offert à Demba une kalachnikov "trouvée dans une cave", "mais pour lui arracher les jambes".
Le père de Kamel a poussé un cri de soulagement à l'annonce du verdict, lançant: "je l'ai eu le caïd !", tandis que la mère de la jeune victime s'effondrait: "15 ans pour Seyni c'est pas assez, c'était son frère!".
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