Une nouvelle vie s'ouvre pour Marie-Hélène Acher. Cette psychologue et criminologue ouvre son propre cabinet en janvier 2017 à Rouen (Seine-Maritime) après avoir travaillé pendant plus de deux ans au Service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) dans cette même ville. Son quotidien? "Accompagner les policiers, quel que soit leur grade, après un psycho traumatisme. Cela peut aller de situations disons classiques, comme une agression sur le terrain ou un accident de voiture en patrouille, à l'attentat", explique-t-elle.
Après le Bataclan et Saint-Étienne-du-Rouvray
Appelée en renfort à Paris après le drame du Bataclan, elle prend en charge les officiers de police judiciaire intervenus sur les lieux. "Ils ont passé des heures dans ce sas à reconstituer la scène, une vraie scène de guerre, raconte-t-elle. Ils ne sont pas du tout formés à ça". La psychologue le rappelle, "l'uniforme ne protège pas de tout, le côté humain ressort toujours."
À Saint-Étienne-du-Rouvray, où le père Jacques Hamel a été assassiné, elle explique ainsi que les policiers ont eu les mêmes réactions que n'importe quel Rouennais. "Comme pour tout le monde, l'événement est venu signifier qu'un attentat pouvait se produire n'importe où, que cela n'arrive pas qu'aux autres".
Stress post-traumatique: "On est tout le temps aux aguets"
Dans ces situations, la prise en charge doit intervenir le plus rapidement possible. "Entre 24 et 48 heures au mieux." De petits groupes de parole sont mis en place "entre personnes qui ont vécu l'événement à un même niveau, en fonction de s'ils étaient sur les lieux, s'ils ont entendu leurs collègues via la radio dans la voiture ou ceux qui étaient au poste à suivre l'événement de plus loin."
À ce moment, elle "évalue le développement de l'état de stress post-traumatique". Parmi les marques les plus courantes de traumatisme, elle parle du "corps en hypervigilance. On est tout le temps aux aguets, on sursaute à n'importe quel prétexte. On peut également être sujet à des insomnies, des cauchemars, voir des flashs de la scène vécue. Certains développent aussi de l'agressivité."
"Nous ne sommes pas égaux face à ces événements"
Pas toujours facile à admettre, cette fragilisation se perçoit surtout dans le regard des autres. "Être attentif à ce que l'on renvoie à ses proches" est aussi central dans la prise de conscience. "Surtout, nous ne sommes pas égaux face à ces événements, poursuit la psychologue. Certains développent des symptômes dans les 24 heures qui suivent, d'autres une semaine ou un mois après le choc."
Accepter de parler de ce que l'on a vécu est une étape en soi. "Quand je suis intervenue sur le Bataclan, les policiers ne me connaissaient pas, ils étaient totalement résistants à l'idée de voir le psy, raconte-t-elle. Il faut aussi faire de l'informel, passer dans les bureaux, discuter à la pause-café. Ces traumatismes renvoient à des choses très personnelles, on ne force surtout pas les gens à parler, ils doivent se sentir protégés."
Une confrontation permanente à la mort
Au-delà des attentats, les traumatismes peuvent aussi survenir dans le quotidien des policiers. "Ils sont confrontés de façon récurrente à la mort, rappelle Marie-Hélène Acher. Les agents de Police Secours arrivent, par exemple, régulièrement sur des scènes de suicide, des accidents où des enfants sont morts…"
Depuis plusieurs années, avec la multiplication des agressions envers les agents de terrain, les manifestations, faits rares dans la police, se sont multipliées.
Le double-assassinat de Magnanville, le déclic
"Le double assassinat de Magnanville est ce qui les a le plus choqués, note la psychologue. Au moment des attentats, ils étaient dans leur rôle de protection de la population, ils avaient comme un bouclier professionnel. Là, les policiers ont été attaqués à la maison, en tant que papa et maman. C'était l'homme, la femme qui étaient visés directement."
Ces dernières années, "il y a eu une prise de conscience de cette souffrance par les autorités", reconnaît Marie-Hélène Acher. Elle a aujourd'hui quitté la police. Installée en libéral depuis le début du mois, elle espère désormais pouvoir agir sur "des suivis de long terme" et pourquoi pas "se tourner vers les institutions pour leur proposer un accompagnement sur les traumatismes".
Pratique. Cabinet médical des bords de Seine. 72 qui du Havre à Rouen.
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